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de la France, par les bénédictins. L’Académie a entrepris en outre une collection générale des Historiens des Croisades, partagée en trois séries, sources latines, sources grecques, chroniques orientales, arabes ou persanes, et de plus elle ajoute chaque année de nouveaux volumes aux Extraits et Notices des Manuscrits de la Bibliothèque du roi et à ses Mémoires, qui forment, par la science comme par l’étendue, un recueil sans égal chez les autres peuples de l’Europe. On a tant de fois, et bien à tort, vanté l’indigeste érudition des Allemands, qu’il est bon, quand l’occasion s’en présente, de maintenir notre supériorité, et de ne point admirer dans leurs livres la science qu’ils viennent prendre chez nous.

La Collection des documens inédits relatifs à l’Histoire de France, qui s’imprime sous les auspices et aux frais du gouvernement, complète les publications de l’Institut. Des volumes d’un haut intérêt ont été édités dans cette collection ou préparés pour elle par MM. Augustin Thierry, Cousin, Fauriel, Mignet, Guérard, Beugnot, et les introductions que les éditeurs ont placées en tête de ces volumes, les notes à l’aide desquelles ils ont élucidé les textes donnent à l’ensemble du recueil un nouveau prix ; mais il est à regretter qu’on ait admis des documens dédaignés avec raison jusqu’à ce jour par les publicateurs les plus intrépides, et qu’on ait souvent confié à des solliciteurs habiles ce qu’il eût fallu confier à des érudits laborieux. Il est à regretter surtout de voir figurer dans certaines traductions des erreurs qu’on excuserait à peine dans les travaux les plus obscurs de la province ; nous pourrions citer tel volume où la monnaie si connue de Morlas, dans le Béarn, devient la monnaie de Morlaix dans la Bretagne, où die martis est traduit par mois de mars.

Les sociétés savantes de Paris et des départemens ont activement secondé les efforts de l’Institut et des comités historiques. On doit à la Société de l’Histoire de France la publication d’une vingtaine de volumes qui contiennent des réimpressions épurées de textes ou des documens édités pour la première fois. La province n’est pas restée en arrière, et sur tous les points du royaume des fonds ont été votés pour la publication de pièces relatives à l’histoire locale. Dans la plupart des villes, on a classé les archives, et l’on peut dire qu’aujourd’hui les renseignemens de toute nature abondent. On a fouillé toutes les ruines du passé, car, indépendamment des grands recueils que nous venons de citer et qui presque tous sont des rouvres collectives, il en est d’autres qui ont été entrepris par des travailleurs isolés et conduits à bonne fin par de simples efforts individuels. Il faut citer la collection de M. Guizot, celle de M. Buchon, celle de MM. Petitot et Monmerqué, enfin celle de MM. Michaud et Poujoulat, qui donnent réunies un total de deux cent quarante et un volumes. Il faut ajouter encore à ce chiffre déjà si considérable une foule d’anciens écrits exhumés dans les bibliothèques de l’Europe entière par une phalange de jeunes érudits en général fort ardens pour les recherches, mais par malheur aussi quelquefois fort avares d’idées.

« L’une des causes qui nuisent à ce que l’étude des sciences historiques produise tous les avantages qu’on a droit d’en attendre, disait, en 1835, M. Raynouard dans le Journal des Savans, est cette imprudente précipitation que diverses personnes mettent à publier des fragmens d’un intérêt plus ou moins contestable sans rattacher ces lambeaux épars à des époques, à des événemens, à des personnages qui les encadreraient dans l’histoire. Il est des écrivains qui, fiers d’avoir déterré quelques documens dans les bibliothèques, s’empressent de