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1831 et de 1832 bien des pages oubliées par ceux mêmes qui les ont écrites, on se demande si seize années seulement nous séparent de cette époque. On retrouve là, comme un écho lointain de la révolution française, cette discussion ardente, passionnée, où la colère tient souvent lieu de talent, où la polémique irritée s’attaque, sans ménagement et sans calcul, à tout ce qui lui porte ombrage. Trois journaux marquent à cette date dans la politique nouvelle : le National, né dans les derniers jours de la restauration, activement mêlé à la lutte suprême que le droit divin venait de soutenir contre les principes de la liberté moderne, et qui représentait un libéralisme progressif dont les partisans protestaient, tout en acceptant les conséquences sociales de la révolution de 89, contre les excès sanglans de la république, contre le despotisme de l’empire et les hypocrisies de la restauration ; — l’Avenir, qui avait pris pour devise Dieu et la liberté, et qui voulait : 1° obtenir du pouvoir la complète liberté des cultes et de l’enseignement ; 2° décider le clergé à refuser tout salaire de l’état ; 3° rendre au catholicisme son ancienne influence par la pauvreté de ses prêtres, la libre prédication, et réconcilier la science et la foi, depuis long-temps séparées ; — le Globe, qui, tout en faisant à la politique une part très secondaire, se mêlait cependant au mouvement d’une manière active par la propagation de doctrines économiques qui, depuis, ont germé dans les esprits. Outre les trois journaux que nous venons de citer, on vit paraître, en même temps que la Tribune, feuille quotidienne, une foule de brochures dans lesquelles on déclarait nettement la guerre au gouvernement nouveau. C’étaient les publications périodiques de la Société des droits de l’homme, celles de l’Ami de la liberté, qui réimprimait les pamphlets de 93. En 1833, on était en pleine renaissance révolutionnaire ; nous avons compté dans cette seule année 250 publications républicaines, parmi lesquelles il en est où l’on réhabilite Robespierre et Marat. Cet état de crise se continue jusqu’en 1835, mais l’adoption des lois de septembre replaça la presse politique sur un terrain plus calme, et le résultat le plus immédiat de ces lois fut de faire disparaître des journaux et des brochures le mot de république, qui fut remplacé par celui de démocratie.

Ce ne sont pas uniquement les lois de septembre qui ont déterminé dans la presse quotidienne ce retour à des habitudes plus paisibles. L’opinion publique avait devancé la législation pour condamner ces imprudentes apologies de l’anarchie et de la terreur, ces exagérations d’un parti qui, sans tenir compte des immenses conquêtes de la liberté moderne, voulait recommencer une révolution en prenant 93 pour point de départ. Le parti républicain lui-même, sans chef et sans idées organisatrices, avait travaillé, plus activement encore que le pouvoir, à sa propre ruine. Après six ans de combats et de troubles, on se replaça sur le terrain de la lutte constitutionnelle, et, au moment où l’apaisement se fit à l’intérieur, la presse quotidienne entra dans une phase nouvelle.

Le journalisme de la restauration, qui exerça sur l’opinion publique une si grande influence, puisait avant tout sa force dans ses principes, dans le dévouement des écrivains à ces principes mêmes, dans les sacrifices de toute espèce qu’ils faisaient au triomphe de leurs idées. Durant les premières années qui suivirent la révolution de juillet, les espérances et les craintes qui naissaient d’un avenir incertain, l’émotion des partis, les regards de l’Europe entière tournés vers la France, les passions que soulevèrent les luttes politiques, soutinrent le journalisme