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clairement indiquée, datent de cinq siècles peut-être avant la construction du palais de Khorsabad.

En pénétrant dans la seconde salle du musée assyrien, on se sent saisi d’admiration à la vue de l’une des portes colossales du palais que l’on a reconstruite avec un très grand soin. Il est impossible de se faire une idée exacte de l’effet prodigieux que produisent ces énormes taureaux ailés à face humaine qui se trouvent placés à droite et à gauche de la porte. Les proportions en sont réellement magnifiques, et les parties du corps sont toutes accusées avec un soin qui dénote une étude fort attentive et fort avancée de la nature. Les muscles sont bien sentis, les tendons et les veines sont exprimés avec justesse, et le tout est ciselé avec un talent réel. Les têtes sont d’un beau caractère, et la coiffure affecte une forme très noble : c’est une tiare cylindrique ornée de belles rosaces, et de laquelle s’échappe une ample chevelure bouclée. Une triple corne monte de part et d’autre de la tiare ; la barbe même est frisée en petites boucles très multipliées, qui lui donnent, comme à la chevelure, ce caractère tout particulier qu’on remarque dans les monumens persépolitains. Les vastes ailes de ces colosses tapissent les parois intérieures de la baie à laquelle ils servent de pieds-droits. Entre les jambes des taureaux sont gravés avec une délicatesse extrême de longs textes cunéiformes d’une conservation parfaite.

L’espace n’ayant pas permis de placer les deux colosses humains à côté des taureaux ailés qu’ils accompagnent constamment, on a dû les appliquer en retour aux massifs de maçonnerie formant les pieds-droits de la porte reconstruite au Louvre. Ces énormes statues ne sont pas moins curieuses que celles que nous venons de décrire. Que l’on se figure des géans de quinze à dix-huit pieds de haut, la tête et le corps de face, tandis que les jambes sont sculptées de profil et en marche vers les taureaux auprès desquels ils sont placés. De la main droite, ils tiennent une arme tranchante fortement recourbée et à la poignée ornée d’une tête de génisse ; de la main gauche, ils serrent la patte gauche antérieure d’un lion qu’ils étreignent contre leur poitrine, en l’étouffant sous la pression de leurs bras. La douleur et les crispations de l’animal sont rendues avec une admirable énergie. Nous ne craignons pas de le dire, les muffles des lions du Parthénon n’étaient pas plus puissamment conçus et exécutés que ceux de Khorsabad. Les colosses ont la chevelure et la barbe artistement tressées comme les têtes humaines des taureaux ailés ; comme eux, ils portent d’élégans pendans d’oreille. Leurs bras sont ornés de bracelets massifs d’un beau dessin et terminés par des têtes de lion. Il faut le dire néanmoins, l’aspect général de ces figures est choquant, par suite de la malheureuse disposition des jambes de profil avec un corps entièrement de face. Les proportions d’ailleurs paraissent un peu écrasées, et, dans les formes de ces corps gigantesques, il