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n’y a rien de svelte, rien de dégagé, par conséquent rien d’élégant. Il n’en est pas moins vrai que certaines parties sont traitées avec un talent incontestable ; les muscles des bras et des jambes, les genoux, les pieds surtout, sont parfois à peu près irréprochables, et ne seraient désavoué, par aucun artiste. A droite et à gauche de ces colosses sont encastrés dans la maçonnerie de charmans petits bas-reliefs représentant, sans aucun doute, des divinités assyriennes reconnaissables à leurs quadruples ailes. L’une d’elles a une tête d’aigle, et il nous paraît très vraisemblable qu’elle nous offre l’image vulgaire du Nesrokh, l’aigle tout-puissant, divinité primordiale de la théogonie assyrienne, le prototype de l’oiseau fabuleux des contes arabes, de cet aigle gigantesque qui a conservé le nom de Rokh, finale du nom primitif de la divinité oubliée.

Dans la seconde salle du musée assyrien a été aussi placé un autel de pierre à table circulaire, supportée par un pied prismatique dont les trois arêtes se terminent en griffes de lion. La circonférence extérieure de la table est occupée par une inscription cunéiforme du même système d’écriture qui se retrouve dans tous les textes recueillis à Khorsabad. Sans la présence de cette inscription, l’autel, bien que déterré à Khorsabad même, mais non dans le palais que recouvrait ce misérable village, pourrait presque être considéré comme un ouvrage grec. Au-dessus de cet autel a été placé l’un des monumens les plus précieux de l’art assyrien. C’est un lion de bronze couché à plat ventre, et dont le dos est garni d’un fort anneau circulaire. Ce lion, qui a été retrouvé scellé sur le seuil d’une porte intérieure du palais, est tout simplement un chef-d’œuvre de plastique. Cette figure, admirablement modelée et exécutée, a d’ailleurs plus de quarante centimètres de long, et un bronze antique de cette dimension est bien précieux lorsqu’il décèle un art aussi avancé à une époque aussi reculée. Quel pouvait être l’usage de ces lions, dont M. Layard a retrouvé, dit-on, un certain nombre dans l’un des palais assyriens de Nemroud ? Nous ne saurions le préciser. Néanmoins il nous semble vraisemblable que l’anneau que supporte le lion de Khorsabad servait à attacher quelque tapisserie faisant fonction de portière, d’autant mieux que dans une des parois de la porte se trouvait scellé un anneau de bronze semblable.

Des bas-reliefs généralement bien conservés représentent ici des eunuques imberbes et aux formes rebondies, revêtus de longues robes talaires, les pieds chaussés de sandales attachées par un seul cordon à l’orteil, s’avançant, les deux mains horizontalement croisées, paume contre paume, en signe de soumission, et portant des épées suspendues au flanc gauche par d’élégans baudriers. Là c’est un soldat assyrien soutenant sur ses épaules un char orné à droite et à gauche de charmantes figures de cheval. Devant lui marche un autre soldat portant deux vases terminés en muffle de lion, et qui probablement font, ainsi que