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le char, partie du butin enlevé à l’ennemi. Plus loin, un personnage royal, reconnaissable à son air d’autorité et à son long sceptre, a la tête recouverte d’un bonnet conique tout-à-fait semblable à la coiffure actuelle des Persans. Il harangue un guerrier tourné vers lui et faisant des deux mains un geste de soumission. Plus loin encore, deux eunuques portent sur leurs épaules une table aux pieds élégamment façonnés en griffes de lion, et qui semble destinée à figurer dans un festin. Un autre eunuque porte deux vases ronds contenant peut-être les mets qui doivent paraître sur la table du banquet.

Sur un bas-relief bien plus curieux encore, paraît un personnage divin aux ailes quadruples, la tête coiffée d’une tiare tricorne et surmontée d’une véritable fleur de lis[1]. Il porte en avant de la main droite une pomme de pin, tandis que de la main gauche il tient un vase destiné sans doute à contenir de l’eau. Il paraît évident que nous avons là l’image de quelque divinité analogue à l’Ormuzd des Perses, octroyant à l’homme les deux principes essentiels, c’est-à-dire le feu et l’eau, le feu représenté par la pomme de pin, l’eau par le vase qui la contient. Devant cette divinité sont placés deux personnages faisant de la main droite le signe de l’invocation religieuse ; l’un d’eux porte de la main gauche un bouquetin destiné probablement à être sacrifié sur l’autel de la divinité invoquée, l’autre tient de la même main un triple bouton de lotus. Un des bas-reliefs placés dans la même salle nous montre un guerrier assyrien armé d’un arc, d’un carquois, d’une épée et d’une véritable masse d’armes. Sur un autre un soldat conduit plusieurs chevaux marchant de front. Enfin deux ou trois fragmens, malheureusement fort incomplets, appartiennent évidemment soit à des guerriers costumés comme ceux que nous avons décrits, soit à des représentations de la même divinité protectrice.

Toutes ces sculptures étaient incontestablement recouvertes de peinture, sans aucune exception. Les traces en sont trop multipliées et trop apparentes pour qu’il soit permis d’élever le moindre doute à cet égard. Ce fait nous rappelle que lorsque M. Texier, à son retour de Persépolis, avança qu’il croyait avoir reconnu quelques faibles traces de peinture sur les bas-reliefs de ces ruines somptueuses, on se récria d’une voix presque unanime contre l’invraisemblance d’un pareil fait. L’observation fort juste de M. Texier fut reléguée au rang des plus déplorables hypothèses, et voilà que les ruines du palais de Khorsabad sont venues, quelques années plus tard, donner à cette hypothèse toute la valeur d’un fait parfaitement avéré. Il y a plus, la Perse moderne est couverte de mosquées et de palais où les carreaux émaillés jouent un très grand

  1. Hérodote nous apprend que l’ornement habituel qui servait de pomme aux cannes es personnages assyriens était une fleur de lis. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil.