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Telles sont l’organisation de l’université d’Athènes et sa situation présente. Quand on eut reconnu qu’elle était nécessaire, elle ne tarda pas à recevoir du gouvernement une existence légale. Ce fut au commencement de 1837, sous le ministère de M. de Rudhart, qui avait succédé à M. d’Armansperg, que parut la loi par laquelle l’université était instituée. M. C.-D. Schinas en rédigea provisoirement les statuts, qui furent soumis ensuite à l’approbation du gouvernement. Il fut aidé dans cette tâche difficile par son ami M. Rizo-Rancavi, esprit solide à la fois et étendu, où se rencontrent sans se nuire le lexicographe, l’archéologue et le poète. Leur important travail ne se fit pas long temps attendre. M. C.-D. Schinas le compléta en organisant sur un pied convenable toutes les parties du service intérieur. Les entreprises s’exécutent vite et bien, qui répondent à un besoin réel et général et qui sont confiées à des mains habiles. Quand le roi Othon revint de son voyage d’Allemagne, il n’eut qu’à approuver les plans de MM. Schinas et Rancavi. L’université ouvrit ses cours le 15 mai 1837. Elle eût existé trois ans plus tôt, si un changement ne se fût opéré en 1834 dans le personnel de la régence. Ici, comme toujours, l’intelligence marchait devant, et, si elle s’arrêta un instant, ce fut en dépit d’elle-même.

L’université était constituée, mais il restait à la loger. Il fut un temps où des professeurs tels qu’Aristote et Platon donnaient leurs leçons immortelles en plein air, en face de la nature, sous les ombrages de l’Académie ou du Lycée, et où le peuple, oubliant les ardeurs du soleil, écoutait cinq heures de suite Démosthènes sur les roches nues du Pnyx. Je ne sais si les temps sont changés ou les hommes, mais aujourd’hui il n’est pas un moment de l’année où cette vie extérieure ne fût pleine de périls. Il fallait donc à l’université d’Athènes une maison qui ne fût pas seulement un abri sûr, mais un vaste établissement comme la Sorbonne ou le Collège de France, avec des salles, des amphithéâtres, un cabinet de physique, des bibliothèques, des collections. Il s’agissait d’une dépense énorme pour laquelle, à la lettre, on n’avait pas une obole. Dans cette pénurie absolue, tout autre peuple eût perdu courage ; mais les Grecs ont foi en eux-mêmes. Exaltés par ce sentiment irrésistible, ils ont fait, qu’on nous passe le mot, un véritable tour de force. L’université, sachant bien que pour vivre il faut d’abord être, se contenta dans le principe d’un bâtiment trop étroit et mal situé, dont le trésor public paya le loyer en même temps qu’il prenait à sa charge le traitement des professeurs et qu’il achetait les objets les plus indispensables. On était à peine dans cette maison, qu’on s’y sentit mal à l’aise ; d’ailleurs on n’était pas chez soi. On perdit patience et on voulut avoir un palais, ou du moins un hôtel beau, vaste et approprié à sa destination. Pourquoi pas ? On avait bien refait un peuple et une capitale. Vers la fin de 1838 et au moment où M. Schinas allait quitter ses fonctions de recteur, ceux à qui l’instruction publique était particulièrement chère, parce qu’ils l’avaient presque créée, s’inspirant d’une heureuse idée de M. Rhally, résolurent de faire un appel aux sympathies de la nation et de l’Europe. MM. Rhally, Gennadios, Brandis, Dokos et C.-D. Schinas, se formèrent en comité et ouvrirent une liste de souscription où s’inscrivirent sur-le-champ une centaine de personnes. Ces premiers souscripteurs se constituèrent en assemblée et nommèrent une commission composée d’hommes illustres ou considérables, à la tête de laquelle était M. Conduriottis,