Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

président du conseil d’état. Le brave Théodore Colocotronis en faisait partie. Le gouvernement s’empressa d’approuver toutes ces mesures, qui répondaient d’ailleurs aux vœux ardens et bien connus du jeune roi, et cette nouvelle hétairie, formée cette fois au grand jour et au sein de la paix, s’appliqua avec un zèle et une activité incroyables à grossir ses rangs. Le succès de ses démarches a été prompt et complet. Des dons de toute sorte ont été offerts à la commission. Les uns ont fourni de l’argent, d’autres des livres, d’autres des terres, d’autres des maisons. La seule famille des Ionides a envoyé 30,000 drachmes pour la construction d’une des ailes du bâtiment. M. Démétrius-Théodore Tyrkas, négociant grec établi à Vienne, homme qui joint à la profonde connaissance des affaires le goût des lettres et la savante curiosité d’un numismate, a souscrit pour une somme de 20,000 drachmes. Un simple domestique, nommé Démétrius Phaphâli, retrancha en une année de son modeste salaire 28 drachmes, qu’il vint apporter dans la caisse de l’université. Pendant que les richesses s’amassaient à Athènes, M. Schinas fit un voyage à Vienne, visita tous ceux qui ont à cœur l’avenir du nouveau royaume, et revint à Athènes avec 35,000 drachmes de plus, dont 25,000 ont été donnés par le prince Milosch de Servie. Le zèle patriotique des Grecs a d’ailleurs été soutenu et excité par un noble exemple. Plusieurs fois le roi Othon a puisé dans sa cassette particulière pour contribuer à la création de l’université, qui s’est appelée, de son nom, Université Othonienne. L’argent qu’on a jusqu’ici dépensé n’est pas venu en un jour, mais il est venu, et on savait bien qu’il viendrait. Plus d’une fois la caisse s’est trouvée vide. Personne ne s’en est effrayé. Ces crises n’ont fait au contraire qu’aiguillonner le dévouement des fondateurs. Ainsi, dans un moment où les fonds étaient épuisés, le gouvernement ordonna que les travaux fussent suspendus. M. Dokos, d’Hydra, secrétaire de l’université, et l’un de ses plus fermes soutiens, n’écouta pas cet ordre. Il engagea les entrepreneurs à continuer les constructions commencées. Ceux-ci poursuivirent en effet ; mais ils se lassèrent bientôt de ne recevoir aucun salaire, et, comme ils signifiaient à M. Dokos qu’ils allaient se retirer : « Que craignez-vous ? leur dit-il ; ma maison est là. Si l’argent manque, nous la vendrons et vous serez payés ! » On n’en fut pas réduit à cette extrémité. Une souscription nouvelle paya la dette de dix mille drachmes que M. Dokos avait contractée, et le généreux Hydriote conserva sa maison. Qui n’aimerait cette confiance en l’avenir et cette ardeur pour le bien poussée jusqu’à l’audace ?

Les premiers fonds trouvés, on songea aussitôt à en faire usage. Il y avait alors à Athènes un jeune architecte danois, M. Ch. Hansen, qui, étant venu en 1830 étudier le Parthénon, s’est oublié dix-sept ans auprès des rouvres de Phidias, et sous le beau ciel qui les a respectées. L’université le chargea de lui construire une demeure. C’est sur les dessins de M. Hansen que s’éleva le palais simple et gracieux qui est aujourd’hui le plus beau monument de la capitale grecque. Je ne sais pas de pays au monde où il soit plus difficile d’être architecte qu’à Athènes. Les matériaux y sont, il est vrai, magnifiques ; mais le voisinage des monumens antiques qui sont le dernier mot de l’art, les habitudes prises en Occident, et puis cet incomparable soleil de la Grèce qui donne aux défauts comme aux qualités une prodigieuse saillie, vous imposent de lourdes