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menacée parce qu’elle a moins à perdre, s’inquiète pourtant et se précautionne ; les incidens se multiplient, les influences marchent, les besoins se précisent, les esprits travaillent et se fixent. Nous, en attendant, nous fermons les yeux et les oreilles, nous ne voyons rien, nous ne savons rien. Je n’ai point la prétention d’éveiller personne ; je ne puis cependant m’empêcher de dire qu’il y a là plus qu’il n’en faut pour qu’on y doive regarder. Voici la question.

L’idée primitive du Zollverein, modifiée par l’expérience même des obstacles qu’elle a rencontrés, prend sous une nouvelle forme des proportions et une activité nouvelles. Ce n’est plus simplement, comme en 1834, l’union intérieure des douanes allemandes, la suppression des barrières qui s’élevaient entre les marchés allemands : cette idée persévérante, c’est à présent l’unité politique et commerciale de l’Allemagne vis-à-vis de l’extérieur. Le mot est trouvé, il fera son chemin : Handelspolitische Einheit. La pensée d’unité qui s’était assise et constituée au dedans du territoire, en effaçant toutes les lignes qui le coupaient, veut maintenant se montrer au dehors et arborer un pavillon. A l’aide des droits protecteurs, on avait écarté l’étranger de chez soi pour y développer plus au large une industrie nationale ; on prétend désormais expédier soi-même les produits de cette industrie grandissante sur les places où le négoce européen se donne rendez-vous. D’agricole qu’elle était, l’Allemagne a pu devenir industrielle ; son ambition est aujourd’hui d’être commerçante. Elle s’est close de son mieux contre les importations de la fabrique anglaise ou française ; elle aspire dorénavant à lui créer une concurrence au-delà des mers avec ses propres exportations. Ce n’est plus assez pour elle d’être une puissance continentale ; elle serait demain, à l’en croire, une puissance maritime. Tout le succès de ces plans magnifiques repose sur l’emploi des droits différentiels.

Il n’y avait eu jusqu’ici que deux partis au sein du Zollverein, les protectionnistes ardens et les protectionnistes modérés. Les tarifs de l’union ayant été dans le principe dressés sur des bases plus libérales que restrictives, les réclamations et les plaintes partaient surtout du camp prohibitif. Le nord et le midi de l’Allemagne ne sauraient s’accommoder d’un même régime de douanes sans de rudes froissemens. Les ports de la Prusse ne pourront jamais se sacrifier assez aux exigences des manufactures du Wurtemberg, de la Bavière et de la Saxe. La Prusse, qui s’est imposé tant de concessions pour arriver à fonder cette vaste communauté dont elle tient naturellement la tête, la Prusse ne peut cependant se ruiner en son particulier pour le plaisir d’exercer un commandement général.

Les protectionnistes exclusifs ont bien senti qu’il leur était chaque jour plus difficile de surmonter des résistances qui chaque jour pourtant