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leur nuisaient davantage. Les protectionnistes modérés ont fini par appréhender que de si durs tiraillemens ne rompissent l’union. La conférence douanière tenue à Carlsruhe en 1845 s’était séparée sans résultats, la conférence extraordinaire assemblée à Berlin en 1846 n’a pas eu plus tôt promulgué les siens qu’elle a soulevé contre elle la clameur de toutes les fabriques intéressées. C’est au milieu de ces embarras croissans des deux opinions rivales qu’une troisième opinion a percé dans le public avec un vif et soudain éclat. L’attention a été portée tout d’un coup du système protecteur au système des droits différentiels. On a trouvé là tout à la fois une conciliation et un remède.

Le droit fixe frappe la marchandise étrangère pour elle-même et sans distinction, sans autre but que de favoriser à l’intérieur le placement des produits similaires du travail national, ou d’assurer au trésor un revenu déterminé. Le droit différentiel est un moyen moins immédiat vers une fin plus savante et plus compliquée ; il distingue non pas entre les marchandises diverses, mais entre les diverses circonstances qui accompagnent l’importation d’une même marchandise. Il s’élève ou il s’abaisse suivant qu’elle vient de tel ou tel pays, par terre ou par eau, il s’abaisse, si elle arrive sous pavillon national, il s’élève, si elle arrive sous pavillon étranger ; il s’abaisse, si on l’a cherchée directement aux lieux de provenance ; il s’élève, si elle sort d’un entrepôt par le canal d’un tiers.

Appliqués à la situation présente de l’industrie allemande, les droits différentiels ont paru faits pour lui offrir bientôt des ressources infinies. Malgré les droits protecteurs, les tissus, les fils, les cotonnades de l’Allemagne rencontrent dans le pays même qui les fabrique une concurrence devant laquelle les manufactures semblent toujours tout près de succomber ; elles étouffent sur leur propre marché. C’est que les débouchés manquent ; c’est que les manufactures tirent leurs matières brutes, c’est que les consommateurs tirent leurs denrées, non pas en ligne droite des régions transatlantiques, mais, par commissionnaires, du fond des magasins anglais. Supposez que l’Amérique, au lieu d’expédier ses productions à Liverpool, les adresse sans intermédiaire au cœur du Zollverein, il faudra nécessairement alors qu’elle se paie en marchandises allemandes, au lieu de se payer en marchandises britanniques. Dégrevez donc le transit direct et grevez les entrepositaires, voilà des débouchés nouveaux qui vont s’ouvrir devant l’industrie du Zollverein, parce que, mise en face des véritables fournisseurs, elle soldera le compte de leurs matières brutes avec les matières ouvrées qu’ils demandaient jusqu’a présent à l’Angleterre, où aboutissaient tous leurs envois. Qu’on ose plus encore, que l’on assure une prime à la navigation nationale en chargeant la marchandise apportée par navire étranger : on réconciliera de la sorte les villes maritimes du Zollverein avec les villes manufacturières ;