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on développera le commerce des ports en même temps qu’on donnera de l’ouvrage aux fabriques Le Zollverein aura bientôt sa marine marchande, pépinière infaillible d’une marine militaire, l’indispensable armement d’une nation de quarante millions d’hommes.

La conception sans doute est belle et le rêve séduisant. Il n’y aurait plus tant alors à discuter sur les tarifs. Il importerait moins aux ultra-protectionnistes de l’union de défendre leur étroit marché contre l’invasion de la concurrence, puisqu’ils auraient moyen de créer eux-mêmes une concurrence sur les vastes marchés du dehors. Il importerait moins aux protectionnistes mitigés de repousser des tarifs aujourd’hui gênans pour leur commerce européen, puisqu’ils seraient appelés, par le seul fait de leur situation territoriale, à devenir les agens d’un immense commerce transatlantique. L’intérêt du Zollverein passerait ainsi des droits protecteurs, sur lesquels il est si malaisé de s’entendre, aux droits différentiels qui mettent tout le monde d’accord.

Pour réaliser cette heureuse combinaison, pour assurer à jamais cet avenir plein de riches promesses, il ne manque qu’une chose, qui a manqué déjà pour réaliser dans son intégrité le système protecteur : je veux dire l’accession du Mecklenbourg, de l’Oldenbourg, du Hanovre et des villes hanséatiques. Si cet appoint était nécessaire quand il s’agissait de faire avec l’Allemagne tout entière un grand corps industriel, il l’est bien plus assurément quand il s’agit de pousser en avant ce corps maintenant développé. L’Allemagne pouvait à la rigueur se constituer comme elle l’a fait, c’est-à-dire par l’union intérieure et l’isolement, en se restreignant aux seuls états qui voulussent partager les chances d’un système commun ; mais les états séparatistes, placés à l’embouchure de ses fleuves, peuvent l’empêcher de les descendre, tandis qu’ils ne pouvaient guère aider l’étranger à les remonter. Le Zollverein était libre des enfermer en lui-même, il ne l’est point de se produire au dehors, parce que son chemin est barré par des voisins qu’il n’a pas encore réussi à changer en alliés.

Voilà le premier écueil auquel devaient se heurter les partisans des droits différentiels. Ce n’est point un écueil, ont-ils aussitôt crié, c’est une pierre de salut. L’ancien Zollverein avait procédé, vis-à-vis des riverains de la Baltique et de la mer du Nord, avec la brutalité d’une idée triomphante ; il leur avait offert purement et simplement de se suicider pour l’amour de lui, et, dans sa passion prohibitive, il avait prétendu enchaîner ces riches commerçans au succès éventuel, aux destinées encore lointaines d’une industrie sans passé. Il ne leur accordait point de dédommagent, il ne leur laissait point de recours. Les villes de la côte n’avaient plus qu’à se faire manufacturières comme les villes de l’intérieur, ou bien il fallait qu’elles se résignassent à s’immoler en esprit de sacrifice sur l’autel de la patrie une et indivisible, sur l’autel