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les avances, il est vrai passablement intéressées, que la grande nation allemande daignait si souvent leur faire pour les englober dans son giron. La superbe bourgeoisie ne se laisse ni beaucoup intimider ni beaucoup séduire. Elle n’a pas dans sa vie d’habitudes bien sévères, mais elle calcule toujours de sang-froid ; mêlant à sa manière la bienfaisance et la débauche, le goût des arts et l’amour de satisfactions moins délicates, elle compte, après tout, des hommes de sens et de capacité. Le sénat, qui se recrute lui-même, a presque toujours bien choisi, surtout depuis l’occupation française. Les vieilles traditions de la Hanse ont ainsi pu se prolonger avec plus de rigueur qu’on ne le penserait, et les jeunes ambitions du nouveau monde germanique viennent régulièrement échouer contre des intérêts que le cours des siècles n’a point changés. Sera-ce encore de même cette fois, et le sénat de Hambourg sortira-t-il à son honneur du combat qu’il a si résolûment affronté ? Il en est pourtant de cet assaut continuel comme de la marée montante : plus nombreuses les vagues se succèdent, plus fortes elles arrivent ; il restait un coin à sec sur la plage, le dernier flot le recouvre[1].

Ce qu’il y a de plus significatif dans la crise présente, c’est que le signal en est venu de Brême. C’est Brême qui, la première, a semblé faire bon marché de la liberté commerciale, d’où sort toute la prospérité de Hambourg, pour faciliter l’établissement d’un ordre de choses qui lui fût peut-être plus particulièrement propice ; c’est Brême qui a donné l’idée avec laquelle on veut aujourd’hui transformer le Zollverein, l’idée de substituer au principe du free-trade comme à celui de la protection le principe mixte des droits différentiels. Convertir les protectionnistes à cette doctrine, c’était les mettre en progrès vers la liberté ; inviter les free-tradistes à l’embrasser, c’était les engager à reculer vers la protection. Brême, qui risquait à bon escient ce pas rétrograde, plaçait ainsi désormais les états séparatistes, et notamment la grande ville hanséatique, dans une position plus difficile encore aux yeux de l’Allemagne. On n’a rien épargné pour que Hambourg restât seul ou succombât.

De 1839 à 1844, la préoccupation dominante des magistrats de Brême a été constamment de répandre en Allemagne « le système des droits différentiels pour la protection du pavillon germanique. » La pensée mère en appartient au bourgmestre Smidt, qui l’alla prêcher à la cour de Hanovre, à celle d’Oldenbourg et même à celle de Berlin. Le Hanovre

  1. Je trouve, sur Hambourg et son administration particulière, un article très complet dans l’excellente revue que M. Charles Weil publie à Stuttgart : Konstitutionnelle Jüihrbücher, 1847. Zweiter Band. Il n’est point de recueil allemand qui méritât mieux de devenir populaire en France, parce qu’il n’en est point qui soit si bien fait pour mettre la France au courant de l’Allemagne.