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par des mesures équivalentes ; que les relations commerciales qui doivent toujours être fondées sur des principes de concessions et de bienveillance mutuelle peuvent de cette manière se transformer en un conflit de règlemens hostiles ; qu’entre deux états divisés par un tel conflit, celui-là doit en souffrir le moins dont les ressources commerciales sont le plus étendues.

« Le gouvernement anglais croit avoir donné des preuves suffisantes que c’est là un conflit dans lequel il ne souhaitait pas d’entrer. »


Le conflit dont parlait lord Palmerston atteindrait nécessairement la Prusse plus que tout autre état du Zollverein ; c’est peut-être une raison pour qu’elle l’ajourne, ce n’en est pas une pour qu’elle veuille s’y soustraire à jamais. Elle reprend en ce moment même avec autant de zèle son œuvre un instant déconcertée ; elle provoque des conférences générales entre les pays allemands pour établir partout l’uniformité dans le droit de change ; elle invite les états du Zollverein à méditer les plans unitaires qu’elle leur a déjà soumis pour l’organisation des consulats. L’Angleterre et la Russie ont l’œil sur ces desseins opiniâtres ; elles les surveillent et s’apprêtent à en contrecarrer les résultats. J’ai pensé qu’il était bon du moins que nous sachions ici que d’autres avisaient.

La Russie, visiblement occupée de maintenir, au cas échéant, les prétentions qu’elle élève sur le Holstein, s’efforce de s’asseoir dans ce coin de terre pour s’y appuyer contre la masse croissante du corps germanique. Elle vient de retirer à Lubeck le privilège exclusif du service des bateaux à vapeur de Pétersbourg, et, en 1849, on va ouvrir une seconde ligne de Pétersbourg à Kiel. De Kiel même, on peut suivre, depuis quelques années, les mouvemens des croisières russes dans la Baltique ; à Kiel même, souvent la flotte russe hiverne ; des officiers russes y séjournent, ainsi qu’à Ploën, pour combattre par toute espèce de séductions l’horreur du nom moscovite. L’Angleterre, de son côté, ne serait déjà plus au dépourvu, si le Zollverein parvenait à lui fermer les fleuves allemands à coups de droits différentiels. Désormais ce n’est plus assez pour elle d’Héligoland, cet autre Gibraltar qui commande les embouchures de l’Elbe, du Weser et de l’Eyder ; elle va s’installer sur l’Eyder même. On doit pourtant fortifier Héligoland, on doit en faire un port militaire ; il faut mieux encore. Tönningen est une petite ville placée sur la limite des deux duchés de Schleswig et de Holstein, en face d’Héligoland, à l’entrée de l’Eyder, et, par l’Eyder, à la portée du canal de jonction qui réunit la mer du Nord et la Baltique ; le port de Tönningen est admirablement disposé par la nature. L’Angleterre, sans même avoir de privilège ou de garantie, donne déjà des sommes énormes pour en agrandir, pour en régulariser les bassins. Tönningen et Londres vont communiquer par la vapeur. L’Allemagne ira chercher les importations anglaises dans un port du