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ne lui a tant pesé ! Il donnerait tout au monde pour qu’un chien lui vînt amicalement lécher la main. Sa conscience, d’ailleurs, lui suggère quelques remords touchant sa dernière pendaison, qui n’était pas absolument légale. Enfin, las de vivre, il s’exécuterait lui-même très volontiers, — et l’on prévoit qu’il en viendra là, — s’il existait un autre homme pour lui faciliter cette opération, et la rendre plus sommaire en le tirant par les pieds.

Ce que nous savons de la vie de Hood est en harmonie avec ce que ses ouvrages nous laissent entrevoir. Il était nerveux, irritable, capricieux, soupçonneux par momens, enthousiaste, aimant, sympathique à ses heures, et toujours spontané, toujours dominé par cette humour dont ses écrits portent l’empreinte. Avec lui, la conversation la plus sérieuse pouvait finir brusquement par un lazzi, par un quolibet inattendu, de même que, sur la causerie la plus abandonnée, il jetait quelquefois un voile mélancolique par quelques tristes et profondes réflexions. En somme, il n’était point heureux, — le génie l’est rarement, — et dans plusieurs de ses poèmes, entre autres dans celui qu’il intitule Revue rétrospective, il a laissé percer l’amer ressentiment d’un homme qui se voit placé dans l’opinion bien au-dessous du rang dont il se sent digne. Ce rôle de bouffon public, que la nécessité lui avait imposé, froissait en lui des instincts élevés, et contrariait de nobles aspirations. Ses poèmes sérieux, que le caprice du public ne lui permettait pas de multiplier, sont autant de protestations, souvent éloquentes, contre la position secondaire, le métier infime, auxquels on le condamnait. Plusieurs de ces compositions, et surtout certain sonnet à Shakespeare, — nous révèlent sa croyance enthousiaste à la gloire, sa haute émulation poétique, son vif désir de laisser, sur une tombe honorée, un nom sauvé de l’oubli. L’éclat dont il aimait à parer l’avenir ne lui déguisait pas les misères et la servitude du présent. « C’est pour le mieux un jeu fort triste, que de lancer le cerf-volant poétique, » dit-il quelque part, comparant les plaisirs de l’enfance et les soucis de l’âge mûr :

T’is at best a sorry game
To fly the Muse’s kite[1] !

Ce triste jeu, il l’avait préféré cependant à la profession toute positive pour laquelle il s’était d’abord préparé. Hood devait être graveur. C’est là le secret de ce talent de dessinateur qui lui a permis d’illustrer lui-même son Comic Annual et d’y jeter des caricatures excellentes, commentaires ingénieux de ses charges écrites. Plus tard il s’enrôla dans la presse ; mais, rebelle à la discipline, il fut toujours, en avant ou

  1. Ode on a distant prospect of Clapham academy. — C’est encore une parodie. Voyez dans les Hours of Idleness de lord Byron les vers au collége d’Harrow.