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grante de tous les droits de la justice et de l’humanité, et ce qui était un droit deviendra tôt ou tard un devoir.

Le parlement anglais doit se rassembler dans trois jours. Il a d’abord à se constituer ; la vérification des pouvoirs et l’élection du président prendront les premières séances. Dans les temps ordinaires, c’est sur la nomination du speaker que s’essaient les partis dans la chambre des communes ; mais nous ne sommes pas dans des temps ordinaires, et il n’y a pas de partis. L’élection du président ne donnera donc lieu à aucune contestation ; M. Shaw Lefèvre sera réélu sans opposition. On sait que le président de la chambre élective en Angleterre est élu, non pas, comme en France, pour une session, mais pour toute la durée de la législature.

Il serait très difficile de classer le nouveau parlement anglais en différens partis. Toutes les notions habituelles sont confondues ; il n’y a plus ni tories, ni whigs, ni radicaux. Lord John Russell, à beaucoup d’égards, est plus tory que sir Robert Peel, et sir Robert Peel, de son côté, devance les radicaux eux-mêmes sur beaucoup de points. Ce qui reste des anciens tories forme aujourd’hui le parti protectioniste ; or, ce parti, qui a pour chefs, dans la chambre des lords lord Stanley, et dans la chambre des communes lord George Bentinck, ne fera aucune opposition au ministère. Une question particulière, en dehors de tout esprit de parti, sera posée dès le début de la session : celle de l’élection de M. de Rothschild pour la Cité de Londres. C’est, comme on sait, la première fois qu’un Juif est envoyé au parlement. M. de Rothschild a été nommé par la Cité, comme O’Connell le fut, en 1828, par le comté de Clare, en opposition avec la loi existante. La brèche que l’émancipation des catholiques fit dans la constitution anglaise sera encore élargie par l’admission des Israélites. Le parti protestant se propose de livrer une bataille régulière sur cette élection ; mais il est probable qu’il se trouvera en minorité.

La convocation anticipée du parlement était devenue inévitable pour le ministère anglais. Le cabinet whig n’est pas de force à porter tout seul la responsabilité des affaires publiques ; il éprouve le besoin de la partager. L’état de plus en plus alarmant de l’Irlande pèse sur lui comme un cauchemar, et, quoi qu’il en dise, c’est ce motif, plus que tout autre, qui le détermine à faire appel aux représentans du pays. Toutefois la raison officielle de la convocation du parlement, c’est la situation financière et la nécessité de modifier la loi de la banque.

Les effets de la mesure prise pour délier les mains de la banque ne peuvent encore être qu’imparfaitement connus et jugés. Jusqu’à présent, l’expérience paraît avoir réussi ; aussi se plaint-on qu’elle n’ait pas été tentée plus tôt, peut-être aurait-elle sauvé de la faillite et de la ruine un grand nombre de maisons qui ont succombé ; mais le ministère whig est comme ce personnage d’un roman moderne qui arrivait toujours une heure trop tard. Il ne sait dire ni oui ni non, et même quand il fait quelque chose, il en perd tout le prix pour avoir trop tardé. Quand il a vu éclater la crise commerciale, et les banquiers et les négocians pousser des cris d’alarme, il aurait dû soit prendre une mesure immédiate, soit déclarer sa ferme intention de rester dans les limites de la loi. Avec son irrésolution ordinaire, il a laissé s’accomplir des désastres multipliés sous l’action du bill de 1844 ; puis, le mal une fois fait, il a levé l’interdiction et com-