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à cheval, conduit par des espions déserteurs du camp des rebelles, met pied à terre, et entre l’arme au poing. « Le voilà ! » crièrent les traîtres en montrant du doigt leur ancien chef, et au même instant une décharge de mousqueterie renversa tous ceux que recélait cette maison, y compris Vallejos et Pablo Pinchera. Ainsi périt obscurément, par surprise, sans pouvoir se défendre’ et au début de la campagne, cet homme, qui depuis huit ans fatiguait les troupes du Chili.

Animés par un succès qui passait leurs espérances, les soldats franchirent en trois jours les quatre-vingts lieues[1] qui leur restaient à parcourir pour arriver au repaire des bandits. Leur marche avait été si rapide, que l’ennemi n’eut pas le temps de se défendre dans les défilés ; ils surprirent sept des neuf sentinelles qui gardaient en toute saison les abords du camp, et débouchèrent dans ces vallées profondes qui communiquaient entre elles par des gorges. Alors ils aperçurent, adossée au marais qu’on nomme Laguna de Epulanquem, toute l’armée des Pincheyras rangée en bataille. Il s’agissait de l’envelopper, et la division se partagea en trois colonnes, qui devaient converger sur le même point. Les rebelles avaient commis une grande faute en restant sur la défensive et en se laissant enfermer dans ce cercle de montagnes escarpées ; mais Pablo Pincheyra n’était plus, et ses partisans consternés jetaient un regard de découragement sur son frère, Jose Antonio, qui les commandait en chef pour la première fois. L’action commença par une vive fusillade, et les Indiens Pehuenches, fort peu sensibles à l’honneur quand leur vie est menacée, prirent la fuite avec d’horribles clameurs. A ces cris d’épouvante succédèrent les hurlemens du désespoir, car, en fuyant, les sauvages donnèrent au milieu de la cavalerie, qui se tenait embusquée à l’entrée des passages. Ils périrent en si grand nombre dans cette course désordonnée, que, sur un espace de trois lieues, la route qu’ils parcouraient fut jonchée de leurs cadavres. Peu à peu les trois colonnes, se rapprochant du gros des insurgés, les écrasèrent du haut des rochers ; tout ce qu’il y avait là de combattans périt par les armes ou tomba aux mains des vainqueurs. Sur neuf cents bandits armés qui prirent part au combat, sans compter les Indiens, deux cents restèrent sur le champ de bataille, et sept cents furent faits prisonniers. On forma de ces soldats de Pincheyra un régiment qui reçut le nom de carabiniers de la frontière, et ce ne sont pas les plus mauvais de la république. Des armes, des munitions en grand nombre entassées dans cet arsenal, des vivres et beaucoup d’objets précieux, furent les trophées de la journée ; mais on n’y trouva point le fameux trésor que l’on supposait avoir été amassé par les rebelles. Quand on ouvrit la

  1. Il ne faut pas oublier que, dans ces contrées, l’infanterie monte à cheval quand il s’agit de faire des marches forcées.