Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/816

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sous ce marbre imposteur, toi que Diane attire,
Crains le sort d’Actéon, tu vois qu’elle respire.


La statue qui représentait une baigneuse n’attestait pas à un moindre degré le goût sévère apporté par Mme Du Barri dans le choix des œuvres d’art qu’elle plaçait à Luciennes sous les yeux du roi. Voici de quelle manière Diderot, dans son Salon de 1767, parle de cette statue d’Allegrain, à laquelle il donne cinq pieds dix pouces de proportion : « Belle, belle, sublime figure, la plus parfaite figure de femme que les modernes aient faite. La critique la plus sévère est restée muette devant elle. Les belles épaules ! qu’elles sont belles ! comme ce dos est potelé ! quelle forme de bras ! quelles précieuses, quelles miraculeuses vérités de nature dans toutes ces parties ! comment a-t-on imaginé ce pli au bras gauche ? Ce sont des détails sans fin, mais si doux, qu’ils n’ôtent rien au tout, qu’ils n’attachent point aux dépens de la masse ; ils y sont et ils n’y sont pas ; que de choses que l’on sent et qu’on ne peut rendre ! J’ai dit que la sculpture, cette année, était pauvre. Je me suis trompé. Quand elle a produit une pareille figure, elle est riche. Cette statue est pour le roi. » - Lisez : Pour Mme Du Barri. Le jugement de Diderot est beaucoup plus long ; mais il est si hardi, si nu dans ses formes louangeuses, qu’il n’est pas possible de le réimprimer tout entier, même dans une histoire de Mme Du Barri. Le trop chaleureux écrivain se passionne pour cette baigneuse au point d’oublier entièrement le marbre et le lecteur. Du reste, la postérité a confirmé son opinion, même dans tout ce qu’elle a d’exalté. La Baigneuse d’Allegrain, échappée par miracle à la tourmente révolutionnaire, a été doucement portée au Louvre, où les artistes vont en pèlerinage étudier ce morceau de sculpture digne de prendre place à côté des plus pures créations de l’art grec. Elle a failli pourtant leur être enlevée. Il y a quelques années, se ravisant un peu tard, une héritière de Mme Du Barri suscita un procès à l’état pour rentrer en possession de cette suave statue. Mme de Neuville (c’est le nom de cette héritière) dut perdre son procès ou être dédommagée, car la Baigneuse n’a pas quitté le Louvre.

On arrivait ensuite au péristyle du pavillon, dont le fond était rempli par un bas-relief de Lecomte. Le sujet était une bacchanale d’enfans. Ce péristyle présente un caractère de grandeur qui tient moins à ses dimensions qu’à une harmonie exacte des parties qui le composent. Il est plein d’air et de lumière. Morceau athénien, il n’y manque que le philosophe accroupi sur les marches et la courtisane qui passe.

Les appartemens du pavillon sont en petit nombre, mais assez spacieux pour laisser deviner tout ce que pouvait y ajouter la magnificence d’un mobilier comme il n’y en eut jamais ni à Trianon, ni à Marly,