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n’ont entre elles aucun rapport, est et demeurera, de l’aveu de tous, le plus bel ouvrage d’architecture qui fut jamais. Ce point, mal éclairci jusqu’à ce jour, a été à peine indiqué par M. Leake dans une phrase insuffisante. Les mesures du Parthénon viennent d’être prises avec une scrupuleuse exactitude par M. Pacard ; on n’a laissé échapper aucun détail, on a tout fidèlement reproduit par le dessin. Chacun peut, sans quitter la France, se convaincre par lui-même qu’il n’y a pas de rapport simple entre le diamètre et la hauteur des colonnes, non plus qu’entre ces deux mesures et la hauteur des entablemens et des frontons. Quel principe a donc guidé Phidias dans la construction de cet édifice ? De quelle unité de mesure s’est-il servi ? Avait-il une unité de mesure ? Tel est le problème que la science des architectes aurait à résoudre. Ce problème n’est d’ailleurs pas moins intéressant pour l’art que pour la science. Comment se fait-il, en effet, qu’avec des proportions si singulières et qui soulevaient tant de difficultés, l’architecte grec soit parvenu à un si merveilleux résultat ? Ou bien il avait une donnée première qui nous échappe, ou bien il lui a fallu un surprenant génie pour combiner à l’avance des mesures si étrangères les unes aux autres et concevoir la beauté d’un tel ensemble.

L’artiste qui parcourt la Grèce, l’Italie méridionale ou la Sicile, s’étonne de voir les temples antiques si supérieurs en beauté à ceux que les modernes construisent dans le même genre et sur le même modèle. Il est vrai que l’effet des ruines et de la couleur dont le soleil a peint ces monumens s’ajoute à celui de l’architecture ; mais un beau temple est toujours plus beau que sa ruine, et celle-ci ne nous touche que par le souvenir qu’elle rappelle. On ne peut donc pas dire que, si les temples de la Grèce l’emportent sur les nôtres, c’est une illusion de notre esprit qui se plait à parcourir le passé et qui voit toutes choses plus belles à travers le temps. L’analyse dissiperait aisément cette erreur, comme la beauté de l’horizon disparaît quand on se déplace pour s’en rapprocher. Pour le Parthénon, au contraire, l’analyse découvre en lui des beautés nouvelles et que, d’un coup d’œil rapide, nous n’eussions point aperçues. Phidias, voulant exprimer dans le temple de Minerve la pensée de la durée éternelle, donna à l’ensemble de l’édifice la forme qui présente à l’œil la plus grande solidité. Or, la figure la plus incapable de stabilité est celle dont la base est étroite et dont la partie supérieure s’élargit et surplombe : l’on n’est point dans un repos d’esprit absolu lorsque d’immenses rochers semblent peser sur notre tête et nous menacer de leur chute. Pour l’œil comme pour la science, la stabilité des corps s’accroît avec l’étendue de la base : le chêne robuste est plus puissant que la tige grêle du palmier, et la pyramide des bords du Nil est éternelle comparée à la tour éphémère des rives de l’Arno. Phidias donna donc à son temple la forme d’une pyramide tronquée. Il inclina les uns vers les autres les murs de la cella et de l’opisthodome ; les colonnes du péristyle furent elles-mêmes penchées vers l’intérieur, et surtout les colonnes angulaires, sur lesquelles paraît principalement reposer l’édifice. Celui qui en présence du Parthénon cherche à concevoir une idée nette de l’ensemble du temple peut se représenter un faisceau de lignes droites suivant les angles des murs et passant par l’axe des colonnes ; ces lignes, prolongées par la pensée au-dessus du monument, se rapprochent les unes des autres et vont se réunir au haut des airs ; en sens contraire, elles s’enfoncent dans la terre en s’écartant et semblent s’y fixer pour jamais. L’inclinaison