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granites. L’Hymette aride est couronné d’un amas immense de marbres blancs ou gris, le Parnès et l’Égialée en sont presque entièrement formés, le Pentélique est fameux encore par les beaux marbres dont ses pentes et son sommet sont composés ; mais le soleil, qui parcourt tous ces rochers, les a colorés de ses rayons, et la nature entière de la Grèce s’est peinte de ses couleurs. Au milieu du jour, les plans verticaux des rochers prennent l’or des moissons et des fruits mûrs, et il semble qu’en enveloppant les surfaces arrondies comme un voile, le ciel y ait laissé sa couleur et sa transparence. Ainsi, les marbres de l’Attique ne restent point blancs, et, si les Grecs n’avaient peint leurs édifices, la nature l’aurait fait pour eux ; les peintures antiques appliquées sur des surfaces polies ont disparu, les marbres redevenus blancs ont pris la couleur naturelle, et c’est avec cette teinte ardente et animée qu’ils sont parvenus jusqu’à nous. C’est elle en grande partie qui communique à ces ruines une si grande beauté : les colonnes de l’Olympium n’ont pas la pureté du temple de Minerve, mais, au lever du jour, la lumière qui joue dans leurs cannelures dorées et les rend diaphanes comme les doigts de la main éveille dans l’ame la vivante idée du beau.

Quelque admirable cependant que soit la couleur dont la nature a revêtu ces monumens, on comprend que les Grecs aient senti le besoin d’en compléter la décoration par la peinture. En effet, la couleur qui appartient aux ruines est presque toujours celle des lieux où elles se trouvent, de la nature même sous la puissance de laquelle, pour ainsi dire, elles sont rentrées ; mais la nature ne suffit pas à l’homme : il sent en lui le besoin de produire à sa manière et de faire vivre en quelque sorte, dans un seul objet, la beauté dont il trouve les traits épars autour de lui. Les Grecs paraissent avoir ressenti ce besoin plus que tout autre peuple, soit que Dieu, dès l’origine, les eût faits autres que nous, soit plutôt que leur pays leur fournit de plus grandes images, et, par suite, une plus claire idée de la beauté. Ils ont, en effet, obéi à la nature, et comme, en Grèce, tout est peint, brillant, animé, ils ont fait leurs temples sur ce modèle.

Toutefois, en adoucissant l’éclat des édifices sacrés, les Grecs n’ont point voulu éteindre sur eux la lumière, comme elle s’éteint sur la mousse sombre des temples du Nord. Le noir pur absorbe les rayons, et n’est rendu visible que par les objets brillans qui l’environnent, de telle sorte que tout disparaît au milieu de la nuit. Les anciens, amoureux de la lumière, consacraient les ténèbres aux dieux infernaux. Le noir est la couleur du deuil et de la tristesse ; la mort n’est redoutable à Polyxène que pour la nuit qui l’enveloppe, et ce que pleure la jeune Antigone, déjà entraînée vivante sous la terre, c’est la pure lumière du jour qu’elle ne verra plus, cet άγλαον φάος, ce φαδρόν άλίου σέλας, que nulle langue ne petit traduire. Le jour pur (άγνον) est sacré aux yeux des Grecs, il a ses autels sur les lieux élevés, il chasse la nuit sombre de montagne en montagne, comme plus tard, posant ses pieds sur les sommets, Hélie, prophète aux vêtemens éclatans, poursuivra le noir démon. Pallas est une divinité de l’Olympe, elle aussi aime la lumière ; elle a ses temples dans les citadelles élevées, et le séjour qu’elle préfère est l’Acropole d’Athènes. Du sein de sa demeure lumineuse elle protégé son peuple chéri, elle tient à l’écart « les noires filles de la Nuit, les Euménides, qui habitent les antres souterrains du Tartare, et ne portent jamais les blancs habits de la joie. » Celles-ci ont leur temple au fond de la vallée du Céphise, sous le tertre de Colone. Là « elles distillent leur noir venin. » « … On leur offre des