Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/904

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parlent au nom de la religion, c’est pour s’élever contre le scandale causé par les juifs et les Maures, qui travaillent publiquement le dimanche[1]. A la modération singulière des termes dans lesquels cette représentation est conçue, on peut juger de la tolérance religieuse qui régnait alors en Castille.


III.

Les cahiers de la noblesse semblent également dictés par un intérêt tout personnel. S’adressant à la merci du roi, elle le supplie de lui accorder des exemptions, des pensions, des secours pécuniaires en considération des grandes pertes que la dernière épidémie lui a fait éprouver en lui enlevant les bras qui cultivaient la terre. Les laboureurs, devenus rares, mettent leurs services à un prix exorbitant, d’où il résulte que les gentilshommes, qui ne peuvent les payer, voient leurs domaines changés en déserts. Probablement le tableau de ces misères n’est point exagéré, car le gouvernement, prenant ces plaintes en considération, promet d’appliquer tous ses efforts à soulager la détresse des pauvres gentilshommes. Il les assure de sa protection, leur fait espérer des secours d’argent, et, afin de pourvoir au plus pressé, il fixe par une ordonnance spéciale le prix des salaires et celui des objets d’un usage général[2]. Il est extrêmement difficile aujourd’hui d’apprécier une pareille mesure. Juste ou injuste dans ses détails, elle paraît avoir été commandée par une impérieuse nécessité.

J’ai fait connaître les désordres auxquels la maladie de don Pèdre avait donné lieu, et notamment le pillage des deniers publics par les nobles pensionnaires du roi. Pour tous les actes de violence commis à cette époque, la noblesse demande une amnistie complète, protestant surtout contre une enquête sur les droits de ceux qui, en saisissant les caisses royales, avaient prétendu se payer des arriérés de leurs traitemens. Tout en accordant l’amnistie, le roi se réserve d’examiner les titres de ces pensionnaires impatiens et de poursuivre le recouvrement des sommes prises sans créances légitimes[3].

Une loi fort remarquable du dernier règne interdisait aux ecclésiastiques de recevoir par testament des donations de terres, et le considérant allégué était qu’entre autres graves abus, il pourrait résulter de la liberté de tester en faveur des églises l’appauvrissement des familles nobles. Il paraît que cette loi fut mal observée, car on en réclame

  1. Ord. de Prelados, art. 9. — Ils demandent que les Juifs ne puissent travailler dans la rue (comme la plupart des artisans font encore aujourd’hui en Espagne), mais dans leurs maisons, les portes fermées, à peine de 10 maravédis d’amende.
  2. Ord. de Fijosdalgo, art. 11.- Ord. de Menestrales.
  3. Ord. de Fijosdalgo, art. 7.