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frontière d’Aragon. Bientôt, ne s’y croyant pas en sûreté, il implora la protection de Pierre IV, et se déclara son homme-lige, s’engageant à ne faire ni paix ni trêve avec le roi de Castille sans l’agrément de son nouveau suzerain[1].

Le jeune roi, toujours guidé par Alburquerque, se dirigeait vers les Asturies ; mais, chemin faisant, il s’empara de plusieurs châteaux ou maisons fortifiées que Coronel possédait en Castille. La plupart se rendirent sans faire de résistance sérieuse. Il n’y eut que le châtelain de Burguillos qui soutint un assaut. C’était un brave écuyer, homme-lige de Coronel, nommé Juan de Cañedo, que ni la présence du roi, ni les promesses d’Alburquerque ne purent obliger à livrer la place remise à sa garde. Après s’être battu en désespéré, il fut pris vivant, et le vainqueur lui fit couper les deux mains. Laissant les mécontens de la Castille méditer sur cet exemple terrible, la petite armée royale entra dans les Asturies. A son approche, don Henri, abandonna Gijon et se jeta dans les montagnes avec quelques amis dévoués. Tout en se dérobant avec soin aux poursuites de son frère, il protestait de sa fidélité, et les gouverneurs de Gijon et de ses autres châteaux s’engageaient par son ordre à ne pas guerroyer, pourvu que le roi consentît à pardonner à leur seigneur. Une espèce de trêve fut conclue. Alburquerque promettait de traiter don Henri avec douceur, et acceptait le serment offert par ses lieutenans[2]. Cette expédition fut une promenade, car nulle part on ne rencontra d’ennemis. Tranquille de ce côté, le ministre ramena rapidement le roi en Castille pour réduire les places occupées par les vassaux de don Tello. La plupart furent prises presque sans combat. Monteagudo, la principale de ses forteresses, pouvait faire une longue résistance ; mais le gouverneur demanda et obtint une capitulation ou plutôt une suspension d’armes, semblable à celle qui venait d’être accordée aux lieutenans de don Henri, c’est-à-dire la promesse d’une amnistie pour son maître, à la condition qu’il s’abstiendrait en attendant de toute hostilité[3]. Il était évident que les mécontens des provinces du nord n’osaient rien entreprendre avant d’avoir appris quel serait le succès de la levée de boucliers tentée en Andalousie par Alonzo Coronel. Éloignés les uns des autres, divisés d’intérêts, les ennemis d’Alburquerque n’avaient pu se concerter ; à peine se connaissaient-ils ; chacun croyait avoir affaire à toutes les forces du roi, et, ne songeant qu’à

  1. Archivo general de la corona de Aragon, parchemin n° 1676, daté de Lérida, 14 juin 1352. Bien que cette pièce soit revêtue de la signature de don Telle, je ne sais s’il prêta lui-même le serment d’hommage entre les mains du roi d’Aragon. Il semble résulter de la teneur de l’acte que l’hommage fut rendu au nom du jeune prince par son majordome Pero Ruiz de Villegas.
  2. Ayala, p. 76.
  3. Ayala, p. 78.