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sa sûreté personnelle, faisait bon marché de ses confédérés. Quant à ces étranges conventions entre un souverain et ses sujets rebelles, conventions exactement observées de part et d’autre, comme il semble, elles constatent quelle était alors l’opinion générale au sujet de l’obéissance due par un vassal à son seigneur immédiat. Les gouverneurs de don Henri et de don Tello conciliaient la fidélité jurée à leur seigneur et le respect de la majesté du trône en stipulant une amnistie pour leur maître, et en promettant d’un autre côté de ne point attaquer les troupes royales. C’eût été trop exiger, sans doute, que de vouloir leur soumission pure et simple. Des vassaux ne pouvaient être juges dans un différend entre leur seigneur et le roi ; en attendant qu’un arrangement eût lieu, leur neutralité semblait un hommage suffisant rendu à la couronne. D’ailleurs, le dessein d’Alburquerque était d’isoler Coronel, contre lequel il voulait porter toutes ses forces. Il atteignit son but par ces conventions, et sans doute il se réservait le soin de châtier un jour à loisir ses timides complices. Pour le moment, il affectait de mettre une grande différence entre les bâtards coupables seulement de trop de défiance à l’égard de leur roi, et le riche-homme d’Aguilar en révolte ouverte, et déjà déclaré traître et rebelle. De là, sa facilité à traiter avec les châtelains de Gijon ou de Monteagudo, et sa cruauté envers celui de Burguillos.


II.

En se portant sur Monteagudo à l’extrémité de la Castille, Alburquerque n’avait pas seulement en vue d’intimider don Tello et d’arrêter sa prise d’armes. L’attitude du roi d’Aragon lui donnait quelque souci, et il avait à cœur de connaître ses intentions avant de retourner en Andalousie pour accabler Coronel. Bien que l’Aragon et la Castille fussent en paix depuis longues années, les relations des deux pays n’étaient rien moins qu’amicales. A la mort d’Alphonse IV, doña Léonor, sa seconde femme, infante de Castille et tante paternelle de don Pèdre, brouillée depuis long-temps avec Pierre IV, son beau-fils, avait quitté l’Aragon aussitôt que ce prince était monté sur le trône. Retirée en Castille, avec ses deux fils, les infans don Fernand et don Juan, elle n’avait cessé d’entretenir des relations avec les ennemis déclarés ou secrets du nouveau roi. Don Fernand avait été pendant quelques mois reconnu pour le chef des rebelles du royaume de Valence, et lorsque la ligue des seigneurs et des communes, qui prit le nom de l’Union, tint un moment Pierre IV en sa puissance, elle l’avait obligé de reconnaître pour son héritier présomptif ce frère qu’il haïssait. A la vérité, la bataille d’Epila avait fait justice de ces prétentions et contraint l’infant de retourner humilié en Castille. Le séquestre de ses biens et de ceux de doña