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mais ayant eu déjà le temps de reprendre son assurance et ses airs d’autorité, il leur jura que leur cause était la sienne, et n’hésita pas à leur promettre de ramener don Pèdre sous peu de jours après avoir châtié les insolens aventuriers qui l’avaient empoisonné de leurs perfides conseils. Incontinent il partit pour Tolède, où le roi s’était déjà rendu avec les Padilla, ses frères et les infans d’Aragon. Alburquerque sortit de Valladolid avec une suite de plus de quinze cents cavaliers montés les uns sur des chevaux de bataille, d’autres sur des mules. A la troupe des gentilshommes de sa maison et à ses cliens ordinaires s’étaient joints un assez grand nombre de chevaliers vassaux ou pensionnaires du roi, incertains encore s’ils iraient grossir la jeune cour ou s’ils demeureraient fidèles au ministre, tous désirant voir les choses de près et étudier par eux-mêmes la contenance du roi et le pouvoir de ses nouveaux conseillers. L’historien Lopez d’Alaya et son père étaient du voyage.

A peu de distance de Tolède, on rencontra le Juif don Simuel et Levi, grand trésorier, alors fort avant dans les bonnes graces de doña Maria de Padilla, et par elle devenu un des plus intimes conseillers du roi. Il venait par l’ordre de son maître porter des paroles de paix au ministre disgracié. « Le roi, disait don Simuel, fait toujours le plus grand cas de votre vieille expérience, et maintenant comme toujours il compte sur vos bons services. Vous pouvez vous présenter en toute assurance devant lui ; mais il s’étonne que vous ameniez une si nombreuse suite, et il vous invite à la congédier. » - Après avoir ainsi parlé au nom du roi, le Juif ajouta quelques mots de la part des Padilla. A l’entendre, ils ne demandaient pas mieux que d’entrer en accommodement, et assuraient qu’une seule entrevue suffirait pour amener une réconcilation sincère. Le trésorier de don Pèdre n’était pas venu seul, et, pendant qu’il entretenait Alburquerque, des chevaliers sortis de Tolède avec lui conversaient avec leurs amis arrivant de Valladolid. Quelques-uns ne cachèrent pas qu’on faisait à Tolède de grands préparatifs de guerre. Toutes les portes, à l’exception d’une seule, étaient murées, et l’alguacil-mayor chargé de la police de la ville venait d’être destitué et remplacé par une créature des Padilla. Ces confidences troublèrent un peu l’assurance d’Alburquerque. Il fit halte et tint conseil avec ses amis. Survint un nouveau message du roi, pour le presser, avec une insistance qui parut suspecte, de se rendre sans délai à l’Alcazar. D’autres avis, envoyés par ses partisans secrets à Tolède, augmentèrent sa défiance et lui firent craindre quelque guet-apens. Dès que son irrésolution trahit ses alarmes, tous ses serviteurs tremblant, pour sa sûreté, le conjurèrent de ne pas se livrer à la merci d’un prince faible dominé par une faction perfide. Alburquerque pouvait craindre de cruelles représailles, et il avait appris à ses ennemis à se jouer des sermens. Il suivit les conseils de la prudence et rebroussa chemin, après avoir