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a le plus et le mieux fait pour la guerre et la colonisation, avec le maréchal Bugeaud, dont l’autorité ne sera assurément contestée par personne.

Sous le titre non plus de sous-secrétaire d’état, mais de directeur, et par des ordonnances du même jour, M. Dessauret a été adjoint au ministre des finances pour le contentieux, et M. Moulin au ministre de la justice pour les cultes. Ce sont là, à vrai dire, des arrangemens intérieurs qui n’ont pas les proportions des sous-secrétaireries d’état, mais qui ont l’avantage de laisser à leur place M. Desclozeaux, dont le caractère impartial va si bien au personnel de la magistrature, et M. Béhic, dont la présence a été jugée nécessaire à la comptabilité de la marine, où ce jeune oracle financier n’a pas encore eu le temps d’accomplir les miracles d’ordre attendus de lui. Observons en passant que, là encore, les journaux qui prétendent à la bonne information avaient envoyé, dans leurs bulletins du jour, M. Desclozeaux à la cour de cassation, et M. Béhic de la marine au ministère des finances.

Après avoir fait mentir la presse dans ses premières désignations, le cabinet s’arrêtera-t-il pour le petit et vain plaisir de la faire mentir encore dans quelques autres nominations dont il avait été question, celles, par exemple, de M. Saglio au ministère du commerce, de M. de Goulard à quelque poste de l’intérieur, ou de M. Teisserenc aux travaux publics ? Pour notre part, nous le regretterions. Ces trois députés nous sont peu connus ; mais ils passent pour les plus capables dans la portion la plus jeune du parti conservateur. Depuis dix-sept ans, les nuances politiques qui se sont succédé au gouvernement, personnifiées dans quelques hommes supérieurs, ont négligé d’ouvrir la porte aux talens secondaires et spéciaux. Aucun n’a su donner au pouvoir cette seconde ligne qui lui manque plus que la première : celle des hommes d’affaires et d’administration se dévouant aux places auxquelles ils conviennent, au lieu de courir, comme le servum pecus de tous les camps, après toutes les places qui leur conviennent. Les questions qu’on ajourne et qui traînent trop dans la conversation, surtout les questions de personnes, sont ordinairement des questions que l’on perd et dont on compromet gravement le succès ultérieur quand on y revient. En politique, l’opportunité et la décision font tout.

Il est à supposer, mais cette fois avec moins d’inconvénient, que les choses se passeront ainsi relativement aux mouvemens qui s’annoncent dans notre personnel diplomatique, où l’on a vu de tristes et déplorables brèches se succéder coup sur coup en quelques jours, quatre à cinq vacances à la fois plus ou moins considérables, dont deux ambassades de famille, Naples et Madrid, Turin si important par le double voisinage de la Suisse et de l’Italie, Francfort si en contact d’opinion avec toute l’Allemagne, Lisbonne affaissée sous la double pression de l’Espagne et de l’Angleterre. Jamais ministre des affaires étrangères n’aura eu à penser à tant de points à la fois, mais aussi jamais aucun n’aura eu sur les bras plus de candidats et de solliciteurs pour l’empêcher d’y bien penser. La fièvre de l’avancement n’est nulle part plus vive que dans notre jeune diplomatie, parce qu’elle n’est en aucune autre carrière appuyée de titres moins.publics et moins appréciables. A deux ou trois exceptions près, tous se valent. Une aptitude suffisante, mais qui n’a rien de décourageant pour personne, met toutes les ambitions anonymes en campagne au moindre éveil. On avait encore à ce sujet publié des conjectures, risqué des commérages, avancé même des noms comme définitivement choisis, particulièrement pour Naples M. de Bussières,