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REVUE. — CHRONIQUE.

pour La Haye M. de Mornay, pour Turin, le plus délicat de ces postes, M. le vicomte Nap. Duchâtel. Le plus arriéré des nouvellistes, et cela en raison même des succès de sa publicité, le Siècle, s’est mis en verve de commentaires et de détails sur ce dernier fait qu’il regardait comme accompli, sur les complications infinies qui en devaient être la conséquence. Le lendemain, et comme cela arrive toujours, on avait enchéri sur la nouvelle, et M. Napoléon Duchâtel, au lieu d’aller à Turin, n’allait rien moins qu’à rompre avec l’intérieur et les affaires étrangères. Disons à ce propos tout ce que nous savons, car ce que nous savons diffère absolument de ce qu’on inventait ou répandait hier encore. Et d’abord, M. Napoléon Duchâtel, qui a été député et qui est pair de France, préfet depuis dix ans et par le contre-seing d’un cabinet, celui du 15 avril, lequel n’était pas celui de son frère, M. Napoléon Duchâtel, un homme jeune, actif, très engagé avec son parti, celui de l’ancienne majorité, ne rentre pas dans la vie privée sur le conseil de l’ennemi. Nos intuitions sont si justes à cet égard, qu’au moment où nous écrivons, le prétendu préfet démissionnaire de Toulouse a quitté Paris pour reprendre les rênes de l’administration qui lui est confiée. Deux nominations jusqu’ici seulement paraissent certaines ; le plus important des postes vacans, celui de Madrid, serait, nous le croyons, confié à un homme qui a, dans ces dernières années, donné des preuves d’autant d’habileté que de résolution, à M. Piscatory. La légation d’Athènes passerait, à ce qu’on assure, à un premier secrétaire d’ambassade qui porte un nom illustre dans la diplomatie et qui le porte dignement, M. le comte de Rayneval.



REVUE SCIENTIFIQUE

LE CHLOROFORME


À peine un an s’est écoulé depuis la découverte des singulières propriétés qu’ont les vapeurs d’éther, et déjà un nouvel agent chimique, plus puissant encore que le premier, paraît devoir fixer pour quelque temps, sinon le choix, du moins l’attention des médecins. Ce n’est pas que les inhalations d’éther n’aient point répondu aux succès qu’on s’en était promis ; mais tel est le sort de toutes les grandes découvertes, qu’elles n’atteignent un certain degré de perfection qu’après avoir subi le contrôle de l’expérience et parcouru les diverses phases d’une évolution progressive. Accueillie avec une sorte de faveur, vantée avec enthousiasme par ceux mêmes qui de prime-abord n’avaient été qu’incrédules, l’éthérisation trouva bientôt des adversaires dont les argumens alarmèrent un instant la morale publique. Plonger l’homme dans l’ivresse, le priver de sa conscience, le réduire en un mot à l’état de la brute, n’est-ce pas le dégrader, l’avilir ? Et au milieu de l’exaltation des sens, dans le délire où l’ame est plongée, ne peut-il pas trahir un secret, ou s’abandonner à de déplorables accès de fureur ? N’est-ce pas d’ailleurs un spectacle bien digne de pitié que celui d’un homme qui déraisonne ou s’agite en proie à de cruelles hallucinations ? Tous ces reproches paraissaient devoir arrêter l’élan qui entraînait tous les chirurgiens dans une même voie et paralyser l’esprit de recherches qui les dirigeait vers un même but, celui de soulager l’humanité ; mais l’opinion publique, toujours favorable