Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/1014

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les murs étaient littéralement tapissés d’images représentant des figures e saints et de mystiques symboles ; cette collection, formée par les recluses qui avaient successivement habité ce réduit, était comme un legs pieux fait aux sœurs inconnues qui devaient les remplacer. Une table, une seule chaise, étaient rangées contre la muraille des deux côtés de la porte et près de la fenêtre ; en vue d’un magnifique jardin planté de marronniers et de tilleuls, il y avait un prie-Dieu paré comme un petit autel d’agnus, de reliquaires et de bouquets. C’était la simplicité évangélique des religieuses réformées de l’ordre de Saint-Benoît et non le sombre dénûment des austères cohortes de l’ordre séraphique.

La mère Saint-Anastase ouvrit. la fenêtre de sa cellule et regarda dehors. Déjà l’orage était passé, une douce pluie d’été bruissait dans le feuillage et le soleil se levait derrière les nuages transparens comme une gaze mouillée. Au-delà de cette enceinte tranquille, Paris s’éveillait, et les cloches de toutes les églises carrillonnaient gaiement à travers les rumeurs confuses des carrefours. À ce moment, l’horloge du couvent sonna la demie après quatre heures. Aussitôt une sorte de bourdonnement s’éleva dans le dortoir, dont toutes les portes, excepté celle de la prieure, s’entr’ouvrirent à la fois ; on-eût dit-une troupe d’oiseaux qui gazouillaient dans leur cage et saluaient le jour : c’étaient les religieuses qui se levaient pour dire les matines.

La mère Saint-Anastase consulta du regard le sablier posé sur sa table, et, voyant qu’elle avait encore un quart d’heure avant de redescendre au cœur, elle ouvrit le tiroir et en tira un petit volume dans lequel il y avait en guise de marque une lettre dont la suscription était toute barbouillée de marques rouges et d’estampilles, comme ces papiers qui sont allés d’un bout du monde à l’autre par les mains de vingt messagers différens. Cette lettre venait de loin en effet ; elle avait été écrite par Antonin sur les bords de la mer Pacifique, à quelques lieues de Lima, la ville des Incas. Le baron de Barjavel et l’abbé Gilette avaient poursuivi le cours de leurs voyages aventureux, et presque chaque année la mère Saint-Anastase recevait ainsi quelque lettre dont la date était vieille déjà et qui renfermait des choses qui la faisaient pleurer d’attendrissement d’inquiétude, d’impatience et de joie. C’était du reste la seule correspondance qu’elle eût avec les personnes qu’elle avait laissées dans le monde. Le livre était un voyage dans le Pérou, qui contenait une carte de géographie et une description du royaume de Lima. La mère Saint-Anastase relut lentement cette lettre, qui avait un an de date, et dans laquelle Antonin lui annonçait son retour en France. Le voyageur, las enfin de sa vie errante, disait qu’il n’aspirait plus qu’au bonheur de revoir la compagne de son enfance, celle qui fut toujours son amie et sa sœur, et, après avoir de nouveau déploré