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aucun d’eux n’a entrepris une histoire générale et complète. Deux écrivains français, MM. Arsène Houssaye et Michiels, ont tenté récemment de nous donner cette histoire qui manquait. M. Arsène Houssaye a terminé son travail ; M. Michiels a publié la première partie du sien et s’est arrêté à l’époque de la naissance de Rubens. :

La manière de ces deux écrivains offre la disparate la plus complète. Vif jusqu’à la mobilité, facile jusqu’à l’abandon, brillant jusqu’à la coquetterie, M. Arsène Houssaye se préoccupe beaucoup plus de la forme que du fond. Il tire habilement parti de ce qu’il sait ; mais il sait moins que M. Michiels, et il n’a pas toujours suffisamment creusé son sujet. Son livre, intéressant, amusant parfois comme un roman, est incomplet. M. Michiels, au contraire, a fouillé le sol trop profondément ; il est arrivé à une sorte de tuf rocailleux qu’il attaque de mille façons, et c’est à grand’peine qu’il parvient à y asseoir les fondemens d’une lourde construction dont la bizarre architecture aurait besoin d’être dissimulée sous les peintures variées et gracieuses qui décorent l’édifice de M. Houssaye. Celui-ci juge sainement, mais un peu par ouï-dire ; il sait écrire, mais ne s’est-il pas trop pressé de prendre la plume ? M. Michiels s’est consumé, lui, dans de longues recherches ; il est remonté aux sources ; il possède son histoire à fond, mais il ignore l’art de la raconter d’une manière compréhensible et attachante. M. Michiels a néanmoins de hautes prétentions comme historien et comme critique. Il se déclare de prime abord seul juge compétent en matière d’art, et il nie absolument l’existence de la critique d’art en France. « Abandonnant les voies que Platon et Aristote ont tracées, elle s’est (à l’en croire) égarée au milieu des syrtes brumeuses où croît l’hypothèse, arbuste infécond des solitudes spirituelles. De là les puérilités qui sont devenues des lois en France et ont un moment conquis toute l’Europe. » M. Michiels se pose donc en restaurateur de la critique. Abordant un sujet neuf, il a voulu, dit-il, le présenter d’une façon nouvelle. À cet effet, il a dû imaginer cette théorie de l’histoire des lettres et des arts que les Allemands avaient seuls pressentie. Cette théorie consiste à appuyer la connaissance de la littérature et des arts sur l’esthétique et la philosophie. Voilà, certes, une grande nouveauté !

Vous saurez de plus que, jusqu’à M. Michiels, les critiques français avaient ignoré l’art de conter. L’historien de la peinture néerlandaise ne prétend pas, il est vrai, avoir découvert ce grand art ; il a voulu, seulement, rendre à la biographie des artistes son attrait primordial. C’est pourquoi il multiplie les récits, entrant dans une foule de détails et de particularités souvent oiseuses.

Soyez vif et pressé dans vos narrations,

a dit Boileau, que M. Michiels ne regarde, du reste, que comme un