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respect de la propriété est commandé pour le bien de tout le monde. Je n’essaierai pas d’indiquer, même de la façon la plus nuageuse, de quelle importance devra être cette participation. Personne n’a, et, je le crois, personne ne peut avoir sur ce sujet aucune espèce de projet qu’il soit possible de justifier. Je n’essaierai pas davantage d’ébaucher les conditions auxquelles on pourra en soumettre la jouissance, ni les formes qu’il conviendra d’y donner, afin qu’elle provoque activement le perfectionnement des arts. Je suis convaincu que cette participation changera le caractère de l’industrie et plus encore du travailleur, qu’elle donnera à celui-ci de la dignité, un amour de l’ordre, un esprit de conduite qu’il ne pourrait connaître autrement. Ces luttes sourdes qui existaient entre les maîtres et les ouvriers et qui occasionnaient tant de désordres, tant de petits dégâts, tant de déperditions de forces vives, disparaîtront comme par enchantement ; et ce sont surtout ces motifs de l’ordre moral, politique et social, qui, quant à présent, me la font ardemment désirer.

Il ne faut pas, en effet, que les ouvriers attendent immédiatement de cette participation un accroissement considérable à leur rétribution. S’il est incontestable que l’association entre toutes les personnes qui coopèrent au travail de l’atelier, depuis le chef d’industrie jusqu’à l’homme de peine, doive avoir l’effet de rendre un jour l’industrie beaucoup plus productive, il ne l’est pas moins que le temps est un élément indispensable de cette amélioration. Tant que le capital différera peu de ce qu’il était hier, tant que la quantité des produits ne sera pas sensiblement plus grande, la rétribution de l’ouvrier, composée d’un salaire fixe et d’un supplément que joindra au salaire la participation aux profits, différera peu de ce qu’elle était hier. C’est inévitable, tant que la liberté sera maintenue dans la société, et, si on tentait de la violer, ce n’est pas une augmentation qu’obtiendrait l’ouvrier. C’est à une diminution que le conduirait la force des choses, plus puissante, elle, que les décrets des gouvernemens et que les pétitions présentées même à main armée.

L’essentiel serait d’inaugurer cette participation d’une manière positive, par des actes. Les dispositions organiques à cet effet sont malaisées à combiner dans l’état actuel des esprits et des habitudes ; mais il est quelques grands exemples que l’on peut dès à présent instituer. On sait que depuis quelques années la compagnie du chemin de fer d’Orléans, à la tête de laquelle est placé un homme éminent par sa capacité et par ses sentimens généreux (M. F. Bartholony), admet ses employés à la participation des bénéfices ; elle a eu dès l’origine l’intention d’en faire jouir un jour ses ouvriers aussi ; mais elle a dû procéder par degrés. Les sociétés anonymes auxquelles certaines formes de comptabilité sont prescrites, près desquelles l’autorité a un commissaire,