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les puissances répondent par des témoignages pacifiques aux éloquentes paroles que leur a adressées M. de Lamartine, il sera essentiel, au nom du progrès populaire, de diminuer le plus possible les dépenses improductives de l’état et surtout de réduire le budget des ministères de la guerre et de la marine.

Par quelle fatalité faut-il cependant que, dès qu’un cri de guerre se fait entendre, ce soient les ouvriers qui y répondent avec le plus de transports ?

Notre système administratif, entre autres défauts, offre celui d’être réglementaire à l’infini. Avec des prétentions à la liberté, nous sommes le peuple le plus réglementé et par conséquent, je ne crains pas de le dire, le moins libre de l’Europe, dans nos entreprises. Un despotisme compacte subsiste en France au moyen de la paperasse administrative. Le despotisme de l’ancien régime a été renversé ; celui de Napoléon succomba dès que la gloire militaire ne fut plus là pour le soutenir. Celui de la bureaucratie fleurit plus que jamais, et les trente dernières années lui ont servi à jeter de profondes racines. Il faut que nous lui rendions compte de tous nos projets, que nous lui demandions une permission pour chacun de nos actes. Il prend nos demandes d’un air nonchalant, les tourne, les retourne, et les envoie, à ses heures, d’une de ses officines à l’autre. Il use notre patience, condamne notre activité à la rouille, désespère nos désirs les plus légitimes. Il y a quelques années, on a publié la série des formalités qui sont nécessaires à un propriétaire dont le champ borde une rivière pour être autorisé.à y placer un batelet. Il n’y faut pas moins de quarante ou cinquante dépêches, et, en suivant la filière ordinaire, cela dure à peu près comme le siège de Troie. Ce monstrueux abus de la centralisation et de l’esprit réglementaire cause un grand dommage à la fortune publique. C’est, en outre, antipathique à la liberté ; mais ce n’est pas ce qui doit m’occuper ici. Les effets de ce régime peuvent se représenter sous cette forme, qu’il nous dérobe à tous une demi-heure ou une heure par jour sur huit ou neuf heures de travail effectif. Le résultat est donc le même que si l’on dépouillait la société du huitième, du neuvième ou tout au moins du seizième de son capital, de ce qui nous donne la richesse, l’aisance ou la subsistance. Je laisse à chacun le soin de tirer la conclusion.

Autre aperçu qu’il est bon d’envisager. Le salaire se traduit pour tous les hommes par la satisfaction des besoins, car ce n’est pas pour le plaisir de manier une pièce de monnaie que l’ouvrier travaille et reçoit un salaire ; c’est pour manger, boire, se vêtir et se loger. Les deux ou trois francs qu’un travailleur gagne chaque jour représentent pour toi une certaine quantité d’objets de première nécessité et surtout d’alimens. Nous avons examiné s’il était possible d’augmenter les salaires