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l’oppression, d’abord gréco-turque et depuis gréco-russe, a réveillée en eux et de ces aptitudes variées que les races latines ont toujours mises avec plus ou moins de constance au service de toutes les causes. Le sol de ce pays, cet excellent fonds roumain, était disposé tout exprès, en quelque sorte, pour recevoir et pour féconder cette plante d’importation étrangère que l’on appelle la civilisation latine. Aussi va-t-elle grandi, non point comme sur le sol slave en Russie et en Pologne, sans pousser de racines et tout étiolée, mais par une croissance naturelle et un développement rapide qui indiquent assez combien elle se sent à l’aise sous ce climat fait pour elle. Si donc un sentiment de justice ne nous permet d’être indifférens ni aux malheurs de la Moldo-Valachie, plus profonds que ceux de la Grèce et de la Pologne, ni à sa renaissance morale et politique, si heureusement commencée, nous devons aussi nous sentir portés vers cette nationalité roumaine par une sorte d’intérêt de famille, en songeant qu’elle s’est conservée et qu’elle revit à présent par le génie des peuples latins et par la vertu féconde de nos croyances et de nos mœurs.

Telle était du moins la pensée avec laquelle j’abordais l’étude du roumanisme, après avoir constaté jusqu’à quel point paysans et nobles sont fiers de leur parenté et ont conservé le droit de s’en vanter devant l’Europe.


II.

Bien que les Roumains aient emprunté à l’Orient l’art de ne point dire plus qu’ils ne veulent, ils sont expansifs et diserts. Ils savent se passionner à propos en parlant de leur pays, et ils ont tant à cœur de n’être point confondus avec les populations très simples, mais très peu éclairées, de la Turquie slave, qu’ils ne négligent aucune des ressources de leur esprit pour se faire connaître avec avantage. J’écoutais avec curiosité et surprise ces narrations vives et complaisantes dans lesquelles de vieux patriotes du temps des princes grecs, des orateurs de l’assemblée nationale et de jeunes publicistes m’exposaient les vicissitudes de la Romanie. Leur langage n’annonçait point la simplicité forte et confiante des Illyriens, ni l’enthousiasme bruyant et triste des Magyares. C’était une parole limpide et pénétrante, qui révélait une très forte préoccupation d’intéresser et de plaire. Ils ne cherchent point à justifier les choses d’autrefois ; mais, joyeux de voir avec quelle ardeur la génération d’à présent travaille à réparer les maux du passé, les vieillards eux-mêmes aiment à dire : Nos fils vaudront mieux que nous !

J’écoutais également l’autre parti, que l’on persiste à nommer fanariote, même depuis la ruine du Fanar primitif, et qui se compose de quelques Valaques mêlés à un grand nombre de Grecs et inspirés par