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Conseillons aux gouvernemens absolus dont les peuples se réveillent ces transactions généreuses qui calment l’opinion publique et satisfont les oppositions honnêtes. Saluons avec amitié le berceau de chaque constitution nouvelle, sœur de la nôtre ! Enfin, rappelons-nous que notre mission dans le monde est de concourir à la liberté et à l’indépendance des peuples et persuadons-nous bien que, le jour où nous suivrions une autre voie, le terrain nous manquerait sous les pieds.

A l’intérieur, la question à l’ordre du jour est celle de la réforme électorale et parlementaire.

L’année dernière, j’étais du nombre de ceux qui croyaient que l’occasion était belle pour faire une concession. Le parti conservateur venait d’obtenir une majorité incontestable ; la victoire était complète. L’opposition elle-même s’avouait vaincue et prenait sa défaite en patience. Si, au début de la session, nous, conservateurs, nous nous fussions montrés tolérans et accessibles ; si nous avions consenti de bonne grace à examiner, à discuter les propositions de l’opposition ; si le ministère avait pris un engagement quelconque ou accompli la moindre réforme, notre position eût été rendue excellente ; le discours de Lisieux recevait l’application que le public en attendait, nous gagnions dans le pays cette portion importante des électeurs qui aiment le progrès lent et ne favorisent pas le désordre. Du reste, avec un peu d’intelligence et de perspicacité, on peut n’avoir jamais de meilleurs conseillers que ses ennemis : ce plan de conduite était tout ce que redoutait l’opposition.

Aujourd’hui, je confesse que nous aurions moins bonne mine à nous laisser arracher ce que nous aurions pu accorder alors. Néanmoins il est toujours temps pour un gouvernement de consentir à une réforme quand l’opinion publique la réclame vivement, et que cette réforme n’a rien de dangereux en soi.

Il faut s’attendre à ce que quelques esprits entiers et absolus trouveront que ce serait une faiblesse insigne de céder devant les manifestations qui viennent de se produire. C’est une fausse manière d’envisager la position d’un ministère et de sa majorité. Que sommes-nous donc tous sans le pays ? Le pouvoir n’est pouvoir que par la majorité ; la majorité n’est majorité que par l’adhésion des électeurs. Cette action de bas en haut est légitime et rationnelle. Vouloir introduire l’amour-propre dans ces situations, c’est refuser au pays lui-même sa participation et son influence. Un gouvernement ne doit pas résister par pique. Il doit calculer avec une prudence excessive les conséquences des réformes qu’on lui demande, peser la nature des avertissemens qu’il reçoit, mais tenir toujours le plus grand compte du sentiment public.

En recueillant les opinions d’un grand nombre d’électeurs de différens colléges, je n’ai pas trouvé, autant qu’on voudrait le faire croire,