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Je désire donc fermement que le parti conservateur adopte cette partie des incompatibilités dans sa prochaine session, et j’espère qu’on ne reproduira plus cette objection, que le moment est mal choisi et que la législature n’est pas assez avancée.

Quand cette question s’est présentée à la fin de la dernière législature, on l’a repoussée en disant : C’est trop tard ; la chambre n’a plus d’autorité, elle est à sa dernière heure. Attendez le jugement prochain du pays.

L’année dernière, on l’a encore repoussée, mais cette fois en disant : C’est trop tôt ; attendez. La chambre est nouvelle et déjà vous lui demandez de se suicider. Les décisions d’une assemblée dont plusieurs membres seraient frappés d’interdiction n’auraient plus l’autorité suffisante. Il faudrait procéder à une dissolution.

Oserai-je demander quand viendra le bon moment ?

En présence d’une dissolution continuellement pendante en vertu du droit de la couronne, il est toujours trop tard, et, à cause de la durée légale d’une législature, il sera toujours trop tôt.

Avec de tels scrupules, on ne toucherait jamais à rien, on ne modifierait jamais une des conditions de l’existence légale du député. Toutes ces difficultés seraient, il me semble, fort simplement écartées par la solution suivante : il suffirait de déclarer que la loi votée aujourd’hui n’aurait d’effet qu’aux élections prochaines. Cela répond à tout.

Je le dis très sincèrement : je crois cette réforme utile. J’ai la conviction qu’elle n’aura que des effets salutaires qu’il serait trop long d’énumérer. Je souhaite que le ministère se décide à l’adopter, malgré la répugnance qu’il doit éprouver à froisser quelques-uns de nos collègues, répugnance naturelle, excusable après tout, et qui m’a long-temps arrêté moi-même. Une autre raison puissante qui me fait souhaiter le succès de cette portion des incompatibilités, c’est que je voudrais en sauver le reste. Les partis s’engagent souvent plus qu’ils ne veulent par la prolongation et l’ardeur de la lutte. Si l’opposition modérée triomphe un jour, elle se trouvera entraînée, malgré elle quoi qu’elle en dise, à accorder les incompatibilités absolues, ce qui serait un véritable fléau.

Maintenant, que l’opposition me permette une simple réflexion. A l’entendre, si nous ne donnons pas satisfaction au vœu public, si nous n’accordons pas toutes les réformes si vivement réclamées par les démonstrations récentes, nous nous perdons, nous nous exposons à de grands malheurs ; nous amènerons plus qu’une réforme, nous causerons une révolution.

Une révolution ! le mot a été prononcé. Pour ma part, et le passé me donnerait raison au besoin, je ne redoute que les révolutions pour ainsi