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de tout homme au monde, et ce, avec ce que vous aurez conquis, et à être l’ami de nos amis et l’ennemi de nos ennemis. Écrit de notre main à Monzon, le dernier jour de mars, l’an 1363. — Et moi, le comte don Henri, je vous promets., sire roi, que j’accomplirai à bon escient tout ce que je dois accomplir à votre égard, selon qu’il est dit par vous ci-dessus. Écrit de ma main, le jour que dessus. — Rex Petrus. — Moi, le Comte[1]. » Ce traité, écrit de la main même des deux princes, était destiné sans doute à demeurer secret jusqu’au jour où il pourrait recevoir son exécution. L’un et l’autre avaient intérêt à en dérober la connaissance au public : don Henri, pour ne pas ruiner son crédit en Castille en révélant les concessions qu’il faisait à un roi étranger ; Pierre IV, pour ne pas paraître rompre d’une manière éclatante avec son frère don Fernand, dont il avait autorisé naguère les prétentions au trône de Castille, et qu’il sacrifiait à un aventurier son ennemi. L’infant s’était opposé de toutes ses forces au rappel du comte de Trastamare ; il avait été soutenu dans le conseil même du roi par un grand nombre de seigneurs aragonais qui voyaient avec jalousie la faveur du bâtard castillan[2] ; mais ses efforts avaient été inutiles, et il ne cachait pas son dépit.

Il fallait beaucoup d’assurance et une hardiesse en quelque sorte prophétique pour songer en ce moment au partage de la Castille. Jamais conquête ne sembla plus loin de se réaliser. Au contraire, l’ascendant de don Pèdre paraissait plus irrésistible que jamais. Pendant que l’hiver suspendait les hostilités, il s’était ménagé un puissant auxiliaire. Il suffisait que la France se montrât favorable au roi d’Aragon pour que l’Angleterre en prît ombrage et fût disposée à soutenir l’ennemi déclaré de ce prince. Vers la fin de l’année 1363, des ambassadeurs castillans s’étaient rendus en Guyenne auprès du prince de Galles, sous prétexte de concerter avec lui des mesures pour repousser l’invasion des compagnies, mais en réalité pour lui proposer une alliance avec leur maître. Elle fut conclue à Bordeaux au commencement de l’année 1363. Par ce traité, le roi de Castille et celui d’Angleterre se garantissaient mutuellement l’intégrité de leurs possessions, et déclaraient, suivant la formule chevaleresque du moyen-âge, qu’ils se faisaient amis et s’unissaient contre tous les hommes du monde[3].

Fort de cette puissante protection, don Pèdre revint à Calatayud et recommença ses ravages dans le bas Aragon aussitôt que le printemps lui permit de reprendre les hostilités. Aucune armée ennemie ne tenant la campagne, la guerre se réduisait à une suite de sièges. Quantité

  1. Arch. gen. de Ar. Legajo de Autografos. Appendice.
  2. Zurita, t. II, p. 321.
  3. Rymer, t. III, 2e partie, p. 73. — Ayala, p. 364.