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son chambellan Martin Lopez, il consentit à lui confier deux mille génétaires pour tâter l’ennemi et le harceler dans sa marche. A la tête de ces deux mille chevaux, Martin Lopez chargea si vigoureusement l’arrière-garde aragonaise qu’il la mit dans le plus grand désordre, et l’on croit que la victoire eût été complète si le reste de l’armée eût appuyé l’attaque de cette cavalerie légère[1]. Cet avantage stérile fut bientôt effacé par un revers. Un convoi castillan que le maître d’Alcantara conduisait à Murviedro se laissa surprendre par un détachement aragonais sorti de Valence. Le Maître perdit la vie dans cet engagement qui eut bientôt les conséquences les plus funestes pour don Pèdre, car la garnison de Murviedro était mal pourvue de vivres et comptait sur ce convoi pour se ravitailler. Cependant le roi ne fit aucune tentative pour lui porter secours[2]. L’approche de l’hiver le ramena en Andalousie et termina la campagne. Martin Lopez, pour prix de son brillant fait d’armes, obtint la maîtrise d’Alcantara. Il jouissait déjà de la plus haute faveur ; on a vu par quels services il l’avait méritée.


IV.

Nul plan arrêté, nulle suite dans les guerres du moyen-âge. Après quelques semaines passées à Séville, don Pèdre en repartit pour aller mettre le siége devant Orihuela, qu’il avait laissé approvisionner sous ses yeux. Mais, avant de rentrer sur le territoire ennemi, il passa par Carthagène, et là il fit massacrer les capitaines et les équipages de cinq galères aragonaises capturées récemment par sa flotte. La chiourme seule fut épargnée pour être répartie sur les vaisseaux des vainqueurs. On voit que l’insolence de Perellès devait coûter cher aux marins catalans. Ces galères avaient été prises dans un engagement sur la côte de Barbarie, où le comte d’Osuna, fils de Bernal de Cabrera, montait la capitane de Castille et se distingua par sa valeur à combattre contre ses compatriotes[3]. Dans les deux camps il y avait des émigrés, et c’étaient les plus ardens à souffler le feu de la guerre.

Le siége d’Orihuela commença en même temps que celui de Murviedro. Les deux rois en pressaient les travaux avec une égale activité, chacun espérant obliger son adversaire à renoncer à son entreprise ; mais chacun s’obstinait de son côté et voulait une victoire pour lui seul, indifférent au sort de ses lieutenans. Ce fut en vain que le gouverneur de Murviedro envoya message sur message à don Pèdre pour l’instruire de sa position presque désespérée. Le roi n’y répondait qu’en redoublant ses attaques contre Orihuela. Après huit jours de combats

  1. Cfr. Ayala, p. 388. — Zurita, lib. IX, cap. LIX. — Carbonell, p. 195 et suiv.
  2. Ayala, p. 389.
  3. Zurita, t. II, p. 340. — Ayala, p. 391.