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à la garde de la comtesse de Trastamare, qui la conduirait dans le château d’Opoll ou celui de Taltaull, donnés par Pierre IV comme sûretés du contrat, jusqu’à la conquête de la Castille[1]. La dot de la jeune princesse, fixée à 200,000 florins d’or, devait être avancée à don Henri pour subvenir aux dépenses de l’expédition qu’il méditait[2]. Outre cette somme, il était autorisé à vendre les terres et châteaux qu’il tenait du roi d’Aragon, jusqu’à la concurrence de 70,000 florins. On lui payait encore l’arriéré dû à sa compagnie, plus deux mois d’avance pour la solde de mille hommes d’armes et mille fantassins ; enfin, les comtes de Denis et de Foix devaient le suivre en Castille avec un corps auxiliaire et demeurer avec lui tant qu’il aurait besoin de leurs services, à condition que don Henri s’engageât à les défendre comme sa propre personne[3]. Pour la première fois, dans ces conventions si souvent reproduites, les prétentions du bâtard au trône de Castille étaient clairement exprimées, et le dernier article portait que le Comte, devenu roi, ferait reconnaître pour son successeur son fils don Juan, et présenterait l’infante Leonor aux cortès comme leur reine future[4].


XIX.

DE LA GRANDE COMPAGNIE EN ESPAGNE. — 1366.


I.

Lorsque la nuit, dans les solitudes de l’Afrique, au milieu des cris confus poussés par la foule des animaux sauvages qui se disputent leur proie, le rugissement d’un lion se fait entendre, soudain toutes ces clameurs cessent, et il se fait un grand silence. C’est l’hommage de la terreur rendu au roi du désert. Ainsi, sur l’annonce que la grande compagnie était en marche pour passer les Pyrénées, un calme étrange succéda tout à coup à ces interminables escarmouches qui désolaient l’Espagne depuis si long-temps. Retirés chacun dans sa capitale, les deux rois se préparaient silencieusement à un dernier effort. Ils sentaient que la guerre allait changer de face, et que le moment solennel d’un duel à mort était venu.

Après de longues négociations, les capitaines des aventuriers français et anglais, en paix les uns avec les autres depuis les trêves conclues entre leurs princes, mais non point oisifs, car ils dévastaient la France de concert, s’étaient décidés à chercher une proie nouvelle dans

  1. Arch. gen. de Ar. Capitula, etc., art. 9.
  2. Ibid. Replications e aditions feytes per lo senyor rey, etc., art. 6.
  3. Ibid. Replications, etc., art. 4.
  4. Ibid., art. 7.