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aux autres branches de la législature, comme représentant plus directement l’opinion publique, de rompre un silence qui aurait pu être pris pour de l’oubli. C’est donc pour obéir à un sentiment universellement manifesté par la chambre que la commission de l’adresse a ajouté à son projet un témoignage de sympathie et d’admiration en faveur des princes libéraux de la péninsule. Du reste, M. le ministre des affaires étrangères avait lui-même provoqué cette manifestation par la lecture d’une très remarquable dépêche adressée par lui à l’ambassadeur de France à Rome, M. le comte Rossi. On ne peut s’empêcher de reconnaître que les dépêches récemment publiées par M. Guizot détruisent en grande partie les accusations dirigées contre sa politique à l’égard de l’Italie. Nous avons pu nous-mêmes regretter quelquefois que le gouvernement français ne parût pas donner aux libéraux italiens l’appui qu’ils devaient naturellement attendre de lui, mais nous ne voudrions pas demander plus que ce que M. Guizot promet dans ses dépêches, principalement dans celle qu’il a citée à la chambre des pairs. Tout ce qu’il nous reste à désirer, c’est que le gouvernement mette ses actes toujours d’accord avec ses paroles. La chambre des députés suivra nécessairement l’exemple que vient de lui donner la chambre des pairs ; sans doute même, la commission de l’adresse prendra à cet égard l’initiative. Rien ne sera plus propre que ces encouragemens de la législature française à soutenir les souverains et les peuples d’Italie dans la tâche difficile et glorieuse qu’ils ont entreprise, et à entretenir en même temps chez les uns l’esprit de libéralisme, et chez les autres l’esprit de modération.

Du reste, il faut en convenir, à quelques exceptions près, les populations italiennes ne paraissent pas vouloir se départir de cette modération qui seule peut assurer leur succès. Nous ne croyons pas qu’il convienne de s’alarmer outre mesure de quelques rumeurs qui se produisent de temps en temps à Gènes ou à Livourne ; c’est l’habitude journalière de ces ports de la Méditerranée, où le commerce rassemble une population bigarrée, turbulente, toujours avide de bruit et de désordre. L’intérieur du pays est assez calme ; la reddition de Pontremoli aux troupes de Modène s’est opérée le plus paisiblement du monde. Les gens de Pontremoli avaient d’abord juré de mourir comme ceux de Fivizanno, ils voulaient ensuite se donner à la Sardaigne ; mais on leur a fait entendre que la donation pourrait bien n’être pas acceptée. Quant à la première résolution, on n’y a point donné suite, vu l’inutilité d’un semblable sacrifice. C’était sagement pensé, et l’Italia de Pise leur a donné là-dessus de fort bons conseils en les engageant à se réserver pour des jours plus heureux.

A Rome, on avait fait bruit, dans ces derniers temps, de certaines résolutions du gouvernement qui étaient, disait-on, l’indice d’une réaction dans le sens rétrograde. Les imaginations italiennes sont promptes à s’alarmer. Que le pape aille dire la messe dans une église appartenant aux jésuites ; que le secrétaire d’état adresse la parole à quelque personnage soupçonné d’appartenir de près ou de loin à la compagnie, aussitôt les têtes s’échauffent, on voit une conjuration et une crise dans la circonstance la plus insignifiante ; et quand, après cela, le gouvernement publie quelque nouvel édit de réforme, l’allégresse renaît, la patrie est sauvée, et l’on monte au Capitole remercier les dieux protecteurs. La patrie a donc été encore une fois sauvée dernièrement, et le motu proprio du 29 décembre a prouvé aux Romains ce qu’ils devraient savoir, que les intentions