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guère sorti jusqu’alors de l’enceinte de l’Institut, se vit tout à coup entouré d’une célébrité aussi large que méritée, surtout depuis que son heureuse prédiction se trouva confirmée par un habile astronome de Berlin, M. Galle, qui eut le mérite et le bonheur de découvrir la planète à la place même que notre illustre compatriote lui avait assignée dans le ciel.

On se rappelle l’effet prodigieux qu’une telle découverte produisit dans le public. En France, toutes les classes de la société voulurent s’associer à ce succès national. A l’étranger, toutes les académies, tous les princes de l’Europe s’empressèrent de donner à M. Le Verrier les témoignages les moins équivoques de leur admiration. Des meetings même furent organisés en Amérique. Jamais découverte scientifique n’avait été récompensée par des suffrages plus universels.

Encouragés, excités par les applaudissemens unanimes qui éclatèrent à cette occasion, les astronomes s’appliquèrent avec un redoublement de zèle à explorer le ciel dans l’espoir de découvrir quelque nouvelle planète. Pareille chose était arrivée au commencement de ce siècle, lorsque Piazzi, découvrant à Palerme la planète Cérès, donna l’impulsion aux observateurs allemands qui, presque coup sur coup, révélèrent aux habitans de la terre l’existence de trois autres planètes Pallas, Junon et Vesta. C’est ainsi que les découvertes remarquables aident doublement au progrès des sciences, par les nouvelles clartés qu’elles répandent sur la route, comme par l’émulation qu’elles donnent aux esprits inventifs.

C’est à M. Hencke, astronome de Giessen, qu’on doit la découverte de deux planètes nouvelles sur les quatre dont s’est enrichie depuis deux ans l’astronomie. Après avoir constaté, le 8 décembre 1845, l’existence d’une petite planète à laquelle l’illustre directeur de l’observatoire de Berlin, M. Hencke, donna le nom d’Astrée, ce même M. Hencke découvrit, le 1er juillet 1847, une autre planète qui a été appelée Hébé. Depuis lors, on doit la connaissance de deux autres planètes, Iris et Flore, à M. Hind, astronome anglais, qui a observé la première le 13 août, et l’autre le 18 octobre de l’année dernière. Désormais les noms de MM. Galle, Hencke et Hind resteront associés à quelques-unes des plus brillantes découvertes dont l’astronomie pratique se soit enrichie dans notre siècle. Il serait injuste de séparer leur nom de celui de M. Hencke, qui, par l’heureuse direction qu’il a su donner aux travaux d’une foule d’amateurs en Allemagne, est parvenu à faire construire de grandes cartes célestes à l’aide desquelles les astronomes reconnaissent avec facilité les changemens qui ont pu avoir lieu dans le ciel. Quand ils ne sont pas le résultat d’une erreur dans les cartes, les changemens qu’on observe dans l’aspect du ciel deviennent d’ordinaire l’occasion d’une découverte. En effet, si, à la place où un astre était marqué sur une de ces cartes célestes, les observateurs n’aperçoivent plus rien au bout de quelque temps, ils en concluent que probablement l’astre auquel ils avaient cru pouvoir assigner une place déterminée a changé de position, et qu’au lieu d’être ce qu’on appelle communément une étoile fixe, c’était une planète ou une comète. Alors ils s’attachent à le retrouver ; et, si leurs efforts ne sont pas infructueux, l’astronomie s’enrichit d’une découverte nouvelle. Il en est de même lorsqu’un astre apparaît à une place où il n’en existait pas auparavant. Nous parlons ici du cas le plus ordinaire, car il est arrivé que le ciel ait brillé de clartés inconnues jusqu’alors, ou que des astres aient disparu, sans qu’on puisse expliquer de tels phénomènes par l’existence d’une planète ou d’une comète.