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de don Pèdre qui vinrent lui baiser la main et lui offrir pour leur hommage tardif des excuses facilement acceptées. L’amiral Boccanegra s’était préparé l’accueil le plus favorable. Il mit aux pieds du nouveau roi le trésor de son ennemi dont il venait de s’emparer, trente-six quintaux d’or et quantité de pierreries. Cette prise était plus importante que la conquête d’une province. Le transfuge génois reçut pour sa récompense la riche seigneurie d’Otiel[1]. Pas une ville, pas un château de l’Andalousie n’hésita à suivre l’exemple de la capitale. Le roi maure lui-même, après une faible démonstration contre la frontière, persuadé que la cause de son ancien protecteur était à jamais perdue, envoya demander la paix et l’obtint sans peine. Délivré de cette inquiétude et voyant tout le royaume soumis, à l’exception de la Galice, don Henri crut qu’il devait se débarrasser au plus vite d’auxiliaire qui commençaient à devenir incommodes. Les aventuriers, ne trouvant pas l’occasion de se battre, ne perdaient pas celle de piller. De toutes parts des plaintes s’élevaient contre leurs violences, et déjà, dans quelques provinces, le peuple s’armait tumultuairement contre eux. Don Henri congédia la plupart de ces mercenaires, mais après les avoir comblés de présens. Il ne voulut garder à son service que Du Guesclin et Calverly, devenus en quelque sorte ses hommes liges, et quinze cents lances, choisies surtout parmi les bandes françaises ou bretonnes[2]. A l’instigation de Du Guesclin, en qui il mettait toute sa confiance, il avait conservé de préférence les Français auprès de lui, et, s’il retint sir Hugh de Calverly, ce fut probablement dans l’espoir que ce capitaine renommé pourrait lui servir d’intermédiaire utile auprès du prince de Galles, dont l’attitude lui inspirait déjà de graves soucis. Avec le principal corps des aventuriers, le comte de La Marche et le sire de Beaujeu quittèrent l’Espagne, persuadés qu’ils avaient vengé la reine Blanche, leur parente, suivant leurs sermens chevaleresques. A Séville, en effet, ils avaient découvert un arbalétrier de la garde de don Pèdre, désigné par le bruit public comme le meurtrier de la malheureuse reine, et, après avoir obtenu de don Henri que cet homme leur fût livré, ils le firent pendre sans jugement, comme il semble[3]. Ce fut à l’exécution de ce misérable que se réduisirent les exploits de ces deux seigneurs, les seuls qu’un motif désintéressé eût attirés sous la bannière du prétendant. Quant à la grande compagnie, elle trouva plus d’occasions de faire usage de ses armes, à son retour, que pendant sa longue marche au travers de l’Espagne. Il lui fallut combattre Castillans, Navarrais, Aragonais, soulevés contre elle, et s’ouvrir partout un passage le fer à

  1. Salazar, Caza de Lara, t. II, lib. XII.
  2. Avala, p. 422.
  3. Ayala, p. 423. Como quier que fus pequeña emienda, pauvre satisfaction, dit le chroniqueur.