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secouru, il rendrait aux capitaines de don Henri Lugo et toutes les forteresses occupées par ses troupes. Lui-même aurait alors le choix de sortir librement du royaume avec tous ses biens, ou d’y demeurer en conservant ses honneurs et son nouveau titre, à la condition de prêter le serment d’hommage au souverain reconnu par toute la Castille. Sur la foi de cette trêve, don Henri quitta la Galice pour se rendre à Burgos, où il venait de convoquer les cortès ; mais sa brusque retraite, après sa tentative inutile contre Lugo, avait accru l’audace des partisans de don Pèdre, et don Fernand, ne trouvant plus d’armée capable de lui tenir tête, recommença ses courses, augmenta ses troupes et s’empara même de plusieurs villes ou châteaux forts. Répandus dans les provinces du nord, ses émissaires annonçaient hautement le retour prochain du roi légitime à la tête de toutes les forces de la Guyenne[1].


II.

En effet, les dispositions de l’Angleterre n étaient déjà plus douteuses. A peine le prince de Galles eut-il appris l’arrivée de don Pèdre à Bayonne, qu’il quitta Bordeaux pour aller à la rencontre ; mais, dans son impatience, le roi déchu le prévint et le joignit au cap Breton. Il fut reçu non-seulement comme un roi, mais comme un allié. Ses malheurs, la présence de ses trois jeunes filles échappées à tant de périls, auraient suffi pour toucher un prince qui se piquait de pratiquer toutes les vertus chevaleresques, alors même que la politique n’eût pas été d’accord avec sa courtoisie naturelle. Mais la révolution de Castille était l’œuvre d’un Français, l’usurpateur avait été aux gages du roi de France, c’en était assez pour irriter la jalousie et l’orgueil d’Édouard. Sans hésiter, et à la première entrevue, il promit à don Pèdre la protection de son père et la sienne ; puis il le ramena à Bayonne, où bientôt le roi de Navarre vint les trouver. Accoutumé à trafiquer de son alliance, Charles voulait examiner par lui-même s’il devait violer ou tenir les sermens qu’il venait de faire au roi d’Aragon et à don Henri. Ni le prince anglais ni don Pèdre n’ignoraient les engagemens du roi de Navarre, mais ils savaient aussi sa manière de les observer. Les passages des montagnes étaient en son pouvoir, il fallait les acheter, il fallait enchérir sur les offres que le rusé Navarrais avait déjà reçues.

Don Pèdre trouva plus de loyauté dans le prince de Galles, mais non pas cependant une protection désintéressée. Il y avait long-temps que les Anglais convoitaient les ports admirables creusés par la nature dans les côtes escarpées de la Biscaïe, et l’occasion paraissait favorable pour obtenir d’un roi réduit au désespoir la cession d’une province, séparée

  1. Ayala, p. 424 et suiv.