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brusque attaque, le roi d’Aragon se hâta de se mettre en défense. Son premier soin fut de réparer les fortifications de Valence et d’y jeter une garnison considérable ; il appela sa noblesse aux armes, et demanda même l’assistance de ses vassaux étrangers, du comte de Foix et de l’infant Louis de Navarre. Bientôt des incursions dévastatrices répondirent aux courses des Castillans. Sur toute la frontière, on ne voyait que pillages et incendies. Malheur aux hameaux et aux villes sans murailles ! les guerriers du moyen-âge ne laissaient que des cendres sur leurs traces.


II.

Les seigneurs castillans expulsés de l’Aragon, ou plutôt députés à don Henri, le trouvèrent déjà aux gages du roi de France, près de quitter Paris pour joindre la nombreuse armée qui peu de temps après allait être détruite dans les plaines du Poitou. Les offres du roi d’Aragon changèrent aussitôt les projets du Comte, empressé de renoncer au rôle de capitaine d’aventure pour devenir le chef des mécontens de la Castille. Acceptant sans hésiter les conditions qu’on lui présentait, il quitta la France et parut bientôt sur le théâtre de la guerre avec une suite nombreuse de bannis qui s’étaient attachés à sa personne. Aux termes du traité qu’il conclut à Pina avec Pierre IV, dès son entrée en Aragon[1], il lui rendit hommage et s’engagea à le servir fidèlement comme son seigneur naturel. En retour, il devait recevoir l’investiture de tous les domaines appartenant aux infans d’Aragon actuellement au service du roi de Castille, sauf la seigneurie d’Albarracin que Pierre IV se réservait expressément. Outre ces possessions immenses, mais qu’il fallait conquérir, don Henri obtint immédiatement plusieurs châteaux dans les états du roi[2], ainsi que la plupart des terres confisquées par ce prince sur sa belle-mère doña Léonor, toutefois avec cette clause remarquable, que, content ou mécontent[3], il fût toujours tenu d’y recevoir son nouveau suzerain le roi d’Aragon. À ces dons magnifiques fut ajouté un traitement annuel de 130,000 sous barcelonais[4], sans compter la solde de 600 hommes d’armes et d’autant de génétaires[5]

  1. Zurita, t. II, b. 273 et suiv. Selon cet auteur, le traité de Pina est du 8 novembre 1356.
  2. En Catalogne, Montblanch, Tarrega, Villagrassa ; en Aragon, Tamarit, Ricla, Epila ; dans le royaume de Valence, Castellon del Campo de Burriana et Villareal. Mémoires de Pierre IV dans Carbonell, p. 184. Il paraît que les habitans de Castellon et de Villareal refusèrent long-temps de reconnaître don Henri pour leur seigneur, malgré les injonctions réitérées du roi d’Aragon. Arch. gen. de Ar., registre 15443, p. 36 et suiv.
  3. Pagado ò irado.
  4. 68,833 réaux, un peu plus de 17,000 francs.
  5. Cavalls armats e cavalls alforrats. Les premiers étaient bardés de fer, les seconds avaient des couvertures de cuir ou de toile piquée.