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1844, un rapport où elle exposait que trois localités, Douvres, Portland et Seaford, lui semblaient propres à l’établissement d’un port de refuge. Elle laissait au gouvernement à décider si on ferait des travaux sur les trois points, ou si des trois on en choisirait un seul. La dépense totale était estimée à 4,300,000 livres sterl., soit 109 millions de francs. En 1846, il y avait près de deux ans que ces constructions étaient à l’état d’avant-projet, sans qu’on y eût donné aucune suite. Néanmoins, au commencement de cette année de 1846, un savant qui, plus que personne, a contribué, après la paix de 1815, à mettre la France au courant des progrès accomplis par la Grande-Bretagne dans les arts de la paix et dans ceux de la guerre, M. Charles Dupin, dans l’attitude d’un patriote rempli de stupeur et d’effroi, fit de ces ports de refuge projetés l’objet d’une communication spéciale à l’Académie des sciences, dont il est un des membres les plus distingués. La paisible enceinte de l’Institut fut troublée de ces paroles guerrières et de ces prédictions sinistres. Il sembla qu’une flotte anglaise fût venue bombarder le Havre et eût déposé une armée en pleine marche sur Paris.

Or, au même moment, la France se livrait, non pas à des études mollement conduites, mais à un système général de fortifications sur son littoral. Depuis 1840, nous nous occupions avec activité de Cherbourg, qui est un point agressif contre l’Angleterre. La loi des travaux extraordinaires de 1841 a affecté à la digue, à l’arsenal et aux fortifications maritimes de ce port une somme de 52 millions. Que l’Angleterre, en réponse à nos constructions de Cherbourg, eût ajouté quelque chose à ses défenses, il n’y aurait pas eu lieu de s’en irriter. Elle aurait pu nous dire que nous l’y avions provoquée. La même loi de 1841 consacrait des fonds à Brest à Calais, à Dunkerque, c’est-à-dire à ceux de nos ports qui sont les plus offensifs pour l’Angleterre. En 1844, une loi avait alloué 5,800,000 fr. pour fortifier le Havre du côté de la mer ; en 1845, Rochefort et Lorient avaient eu leur tour. On avait entrepris le curage de la grande rade de Toulon, la plus vaste et la plus coûteuse opération de dragage qui ait jamais été tentée ; à Port-Vendres, on avait commencé à creuser un bassin pour les vaisseaux de ligne, et Brest avait obtenu de nouveaux fonds. Au début de la session de 1846, nous en étions à 101,600,000 fr. d’entreprises, sans compter les crédits supplémentaires. 101 millions, c’est bien près de la somme qui répond au projet anglais ; mais il y avait cette différence que, chez nous, la somme en était votée définitivement, et que les travaux suivaient leur cours, pendant que, du côté de l’Angleterre, le parlement n’avait pas donné un penny.

Pendant le même temps, des travaux utiles s’entreprenaient aux frais de l’état dans la plupart de nos ports de commerce. C’est ainsi que la somme votée depuis 1830, pour rendre ces ports plus accessibles, plus commodes ou plus sûrs, indépendamment de tous ouvrages militaires,