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que sa méfiance lui montrât à l’intérieur de son royaume des dangers dont il avait seul le secret, il parut accepter cette fois avec plaisir la médiation du saint-siège, et à l’exemple du roi d’Aragon s’empressa de nommer des plénipotentiaires pour traiter de la paix. Une ville neutre, Tudela en Navarre, fut désignée pour les conférences que devait présider le cardinal-légat. La Castille était représentée par Juan de Hinestrosa, Juan de Benavides et Iñigo Lopez de Orozco ; l’Aragon par Bernai de Cabrera, Pedro de Exerica et Alvar Carcia d’Albornoz[1]. Ce dernier, sujet castillan, avait été choisi sans doute pour soutenir les intérêts du comte de Trastamare et des autres bannis. Le 10 mars 1357, on se réunit en plein air, suivant un ancien usage espagnol, sous un orme, hors des portes de Tudela[2]. Le cardinal, qui voulait surtout éviter l’effusion du sang, insista pour qu’une trêve fût établie entre les deux puissances belligérantes, d’une assez longue durée pour permettre de résoudre par des négociations les nombreuses difficultés qu’il prévoyait. Il faut se rappeler que chacun des deux rois avait des alliés compromis dans sa querelle, vassaux puissans dont il s’était engagé à soutenir les prétentions particulières. Le roi d’Aragon était lié envers don Henri par les conventions de Pina et de Saragosse qui lui interdisaient de traiter sans son consentement avec le roi de Castille ; en revanche, ce dernier devait prendre en considération les intérêts de la reine douairière d’Aragon, sa tante, des deux infans ses cousins, enfin des bannis aragonais qui s’étaient placés sous sa protection.

Après quelques débats, il fut stipulé que le roi de Castille lèverait le séquestre mis sur les biens de don Henri et de ses adhérens, et qu’il accorderait une amnistie à tous les émigrés ses sujets, excepté ceux qui sous le règne précédent auraient encouru sentence de haute trahison. De son côté, le roi d’Aragon devait rendre à sa belle-mère doña Léonor, aux enfans de cette princesse et à leurs partisans les domaines dont il s’était emparé, enfin publier une amnistie sous des réserves analogues aux précédentes. Les deux rois, chacun dans ses contestations avec les membres de sa famille, devaient recourir à l’arbitrage du légat.

On convint pareillement que dans le délai d’un mois le légat recevrait, à titre de dépôt, les villes dont les rois de Castille et d’Aragon se disputaient la possession, c’est-à-dire d’un côté Tarazona, de l’autre Alicante et quelques châteaux sur la frontière de Murcie. Les plénipotentiaires, depuis le jour de la signature du traité jusqu’à Noël, devaient produire les titres de leurs maîtres et faire valoir leurs droits. Passé ce terme, et faute d’accord amiable entre eux, au légat appartenait de prononcer en dernier ressort. On lui accordait un nouveau délai de six

  1. Zurita, t. II, p. 280.
  2. C’est encore aujourd’hui en plein air, sous un peuplier, qu’a lieu la réunion des députés de la confédération basque, à Guernica.