Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/545

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous l’empire, à celui de 193,455,229 francs. Maintenant nous sommes, à quelques centaines de mille francs près, à 193 millions encore[1], quoique le gouvernement de la restauration eût diminué d’environ 19 millions la charge résultant des rentes proprement dites[2]. L’Angleterre a réduit ses taxes dans une telle proportion à partir de la paix, que c’est pour le public un dégrèvement de beaucoup plus de 1 milliard. Chez nous, les dégrévemens depuis la même époque ne forment que 150 millions[3] dont les deux tiers doivent être attribués à la restauration. Celle-ci, pour soulager la propriété foncière, qu’on avait écrasée à la fin de l’empire, retrancha 92 millions de l’impôt foncier ; depuis 1830, les diminutions d’impôt vont à 60 millions à peine. L’Angleterre a fait tout ce qu’il était possible d’imaginer de sensé pour résoudre le problème de la vie à bon marché. Dans cette vue, elle a refondu son système de contributions. Depuis la paix, et particulièrement depuis cinq ans, une amélioration très grande a été ainsi réalisée dans les conditions de l’existence matérielle des populations britanniques. C’est de cette manière que se ménagent, pour les besoins extraordinaires de l’avenir, des ressources infinies.

Sous ce nouveau régime, en effet, le travail journalier de chacun produit au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour vivre ; des circonstances critiques se déclarant, les familles peuvent distraire quelque chose de ce qu’elles dépensaient pour le remettre à l’état. Chez nous, au contraire, j’en atteste tous les chefs de maison et toutes les ménagères, la vie matérielle enchérit chaque jour. Tout ce que peuvent faire les populations en dépensant la totalité de ce qu’elles gagnent, c’est de ne pas mourir de faim. Je pose en fait qu’il y a une moitié du peuple français dont l’alimentation n’est pas suffisante au gré de l’hygiène. La proportion qui est condamnée à ce dénûment dans l’île de la Grande-Bretagne est probablement de moins d’un dixième. En même temps, chez nous, l’impôt est aussi lourd que possible. Nul n’oserait tendre l’arc davantage, et si quelque impérieuse nécessité survenait,

  1. Je compte ici l’emprunt des canaux de 1821-22, et les primes qui y sont attachées. C’est une somme annuelle de 9,110,300 fr. Je ne compte pas la dette flottante. Aujourd’hui les rentes proprement dites qui restent à racheter montent à 181 millions avec le nouvel emprunt.
  2. Au lieu de 193,455,299 fr., les arrérages des rentes qu’il y avait encore à racheter ne coûtaient plus aux contribuables, à la révolution de juillet, que 164,981,378 fr.
  3. Savoir : Réduction de l’impôt des boissons : 31,930,000 fr.
    Réductions de l’impôt du Timbre : 1,429,000
    Suppression de la loterie et des jeux : 18,000,000
    Total : 51,359,000 fr.
    Par l’accroissement de la consommation, cette dernière somme représenterait aujourd’hui environ 60 millions.