Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mois pour préparer sa sentence. Son jugement rendu, si les deux rois ne le ratifiaient point, les hostilités ne pouvaient cependant être reprises qu’au bout d’un an. Ainsi, la trêve devait durer deux années et quelques mois de plus. À ces articles furent ajoutées des clauses pénales contre les infractions ; c’étaient d’abord l’excommunication et l’interdit, puis une amende de cent mille marcs d’argent, dont moitié pour la cour apostolique et moitié pour la partie qui demeurerait fidèle aux conventions ci-dessus[1].

Malgré l’égalité apparente de ces stipulations, la trêve était en réalité au désavantage du roi de Castille, qu’elle obligeait de s’arrêter au milieu de ses succès, à la tête d’une armée nombreuse, et déjà établi en force sur le pays ennemi. En outre, il n’avait nullement le désir de se réconcilier avec son frère, tandis que le roi d’Aragon, ainsi qu’on l’a dit plus haut, en traitant avec les infans, continuait publiquement des négociations commencées en secret pour le même résultat. Sans désavouer ses plénipotentiaires, don Pèdre ne voulut pas ratifier les conventions signées par eux. Quant à Tarazona, il prétendait qu’elle devait lui appartenir à titre de conquête, et qu’il n’y avait aucune parité entre ses droits sur cette place et ceux que le roi d’Aragon alléguait sur Alicante. Par une subtilité digne du temps, il soutenait que Tarazona, attaquée il est vrai pendant la trêve précédente de quinze jours, avait été prise cependant après l’expiration de cette même trêve et dès-lors légitimement gagnée[2]. Au reste, pour prouver ses intentions irrévocables à ce sujet, il nomma Juan de Hinestrosa gouverneur de la ville, et le chargea d’y établir une espèce de colonie militaire. Le territoire et les maisons de Tarazona furent partagés à trois cents gentilshommes castillans[3].

Comme on peut le penser, le légat se plaignit vivement de ce manque de foi. Après trois mois de réclamations inutiles, ayant épuisé les menaces et les prières, il lança contre don Pèdre une sentence d’excommunication, et mit l’interdit sur son royaume[4]. Mais don Pèdre était aguerri contre les foudres du saint-siège ; il se sentait fort, et ses sujets avaient appris à craindre sa colère plus que les censures apostoliques. De fait, aucun symptôme alarmant pour son autorité ne suivit la sentence du légat. La convention de Tudela ne fut exécutée qu’en un seul point ; les hostilités demeurèrent suspendues.

Mais le roi d’Aragon profitait de cet instant de relâche pour susciter de nouveaux ennemis à don Pèdre et pour recruter des auxiliaires

  1. Archivo gen. de Aragon, reg. 1394 Pacium et Treugarum, p. 1 et suiv.
  2. Ayala, p. 228. — Cascales, Hist. de Mur., p. 122.
  3. Ayala, p. 232.
  4. Arch. gen. de Aragon, reg. 1394 Pac. et Treug., p. 14.- La sentence d’excommunication est datée de Tudela, 26 juin 1357.