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REVUE DES THEÂTRES.




LE PUFF, COMEDIE DE M. SCRIBE.




Le sujet de la nouvelle comédie de M. Scribe est de ceux qui offrent à la fois de grandes séductions et de nombreux écueils. C’est toujours un bonheur, pour un homme qui voit juste et bien, de s’attaquer à ces travers si répandus, si incontestés, qu’ils servent d’étiquette à une époque et sont recommandés à la comédie par une sorte de popularité préventive. S’emparer de ces à-propos est le privilège et le caractère distinctif du poète comique. Les détails, les incidens de mœurs contemporaines rencontrent chez lui cette faculté de vibration qui, chez le poète lyrique, est toujours prête à répondre aux grands événemens, aux majestueux spectacles, aux émotions et aux souffrances intimes. Seulement le lyrisme est le don de répandre au dehors, en accens d’une poésie générale, le choc, le son particulier, individuel, qui fait vibrer cette corde intérieure, tandis que, chez le poète comique, c’est au contraire le trait général qui se personnifie et se précise. Ce qui est, chez l’un, diffusion, épanchement, est concentration chez l’autre. Voilà pourquoi la comédie de notre époque est si difficile à écrire : comment concentrer ce qui s’éparpille toujours davantage ? comment réussir à fixer ce qui semble de plus en plus mobile ? Autant vaudrait, pour un peintre, copier un modèle qui changerait à tous momens d’expression et de pose. La multiplicité des fortunes, les variations infinies des conditions, le travail permanent d’une société qui cherche et modifie sans cesse ses niveaux, tout cela rend presque impossible à saisir le trait décisif qui résume les traits épars. On croit décrire une maladie, et l’on ne décrit qu’un symptôme ; on croit caractériser un siècle, et l’on n’indique qu’une phase. Aussi est-il plus facile aujourd’hui de refléter mille surfaces que de creuser ce qui se cache sous une seule de ces superficies mouvantes.

En face de cette difficulté toute nouvelle, que fera la comédie, qui doit être de son temps et de tous les temps, et qui, dans cette longue chronologie de nos travers, doit marquer à la fois la filiation et la date ? Elle cherchera ses ressources dans cette difficulté même : s’il lui est trop difficile d’approfondir, elle multipliera