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tion administrative des deux royaumes est rétablie, et tous les emplois en Sicile devront être remplis par des Siciliens ; enfin, dans les dernières ordonnances, le roi accorde une loi réglementaire de la presse et promet une amnistie. Il y a quelques mois, ces concessions auraient satisfait la Sicile ; aujourd’hui, après une insurrection exaltée par le succès, exaspérée par plus de huit jours de bombardement, elles viennent tard, trop tard peut-être. Nous apprenons que le gouvernement provisoire établi à Palerme refuse les conditions offertes par le roi, et demande pour la Sicile une constitution. Probablement, à l’heure qu’il est, la lutte dure encore ; il est difficile d’en prévoir l’issue.

On ne peut se dissimuler que les plus grands dangers de la situation de l’Italie sont dans les états où les gouvernemens opposent à toute espèce de réforme une résistance absolue. Si la révolution de Sicile se continue, et si elle gagne le royaume de Naples, comme il pourrait arriver, il faudrait s’attendre à de graves complications. Le roi de Naples peut réclamer les secours de son allié le gouvernement d’Autriche ; mais un envoi de troupes autrichiennes dans le royaume des Deux-Siciles rencontrerait aujourd’hui, sans compter les embarras diplomatiques, de sérieuses difficultés d’exécution. L’Autriche aurait à demander aux princes de l’Italie centrale le libre passage pour ses troupes ; mais lors même que le grand-duc de Toscane et le pape seraient disposés à le lui accorder, il n’est pas bien sûr que cette traversée pût s’opérer sans troubler la paix de l’Italie entière. Il y a dans la Toscane et dans les États Romains un degré d’effervescence qui ne ferait qu’augmenter et qui éclaterait peut-être sur le passage de troupes étrangères ; c’est une raison péremptoire que Rome et la Toscane pourraient opposer à la demande de M. de Metternich. Le gouvernement autrichien serait donc obligé de transporter ses troupes par l’Adriatique ; il reste à savoir s’il a en ce moment des moyens suffisans pour le faire. De plus, il est lui-même assez occupé chez lui, en Lombardie. Nous croyons que de ce côté la supériorité des forces le met à l’abri de tout danger imminent ; mais il est à regretter qu’au lieu de chercher à calmer l’agitation publique il ne fasse que l’irriter et l’exaspérer par des proclamations semblables à celles du général Radetzky. On ne comprend pas qu’un gouvernement aussi habituellement prudent que celui de Vienne puisse autoriser d’aussi sauvages démonstrations.

La discussion des affaires de Suisse n’a pas encore été abordée ; elle sera plus longue et plus vive encore que celle des affaires d’Italie. Avant l’ouverture de ce débat, il ne sera peut-être pas inutile de rappeler où en est la question. La note collective des gouvernemens de France, d’Autriche, de Prusse et de Russie a été remise au président de la diète ; nous en avons fait connaître les points principaux. Les quatre puissances déclarent que la souveraineté cantonale ne peut être considérée comme réellement subsistante dans les cantons militairement occupés par d’autres cantons, que c’est seulement lorsque ces cantons auront pu constituer librement leurs gouvernemens que la confédération pourra être considérée comme étant dans un état régulier et conforme aux traités, que le rétablissement sur le pied de paix des forces militaires dans les cantons est la garantie nécessaire de leur liberté mutuelle et générale, qu’enfin aucun changement dans le pacte fédéral ne saurait être légitimement accompli qu’autant qu’il réunirait l’unanimité des voix de tous les cantons.

Ces conclusions des quatre puissances sont appuyées sur des argumens que