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la nouvelle base révolutionnaire, le seul qui n’eût contre lui, quant au principe, que les préjugés ou les passions égoïstes, le seul sur lequel la propagande pût arriver immédiatement à une action efficace. Ce point-là gagné dans les esprits, il s’opérait en Pologne une rénovation morale dont l’importance effaçait toute celle que pourraient jamais avoir les remaniemens de territoire ou les changemens politiques. Qu’il y eût une Pologne républicaine ou monarchique, une Pologne de quatre, de douze ou de vingt millions d’ames, le résultat n’était ni aussi grand ni aussi durable que s’il y avait, en quelques limites et sous quelque forme que ce fût, une Pologne peuplée de paysans propriétaires, de paysans citoyens. Là vraiment s’asseyait la démocratie sur une terre enfin cultivée par des mains libres et possédée par ses cultivateurs. Ce fut, au contraire, une erreur regrettable de la Société démocratique d’identifier la démocratie avec la république, et, au moment où elle aspirait surtout à modifier le fond de la société, de prendre une espèce particulière d’institutions politiques pour une formule absolue de progrès social. Séduite par les déclamations des amis les plus violens, sinon les plus éclairés, qu’elle eût dans l’exil, elle adopta les argumens des partis extrêmes contre la royauté constitutionnelle et contre les classes moyennes : elle perdit ainsi une portion de ses forces, elle perdit des sympathies dont le concours lui aurait été précieux, pour la vaine satisfaction de promulguer des théories dont rien n’était encore applicable. Les démocrates l’avouaient eux-mêmes, puisqu’ils ne pouvaient, dans leurs plans, arriver en Pologne à cette république idéale sans passer un temps indéterminé sous le régime de la dictature. Était-ce donc la peine de tant batailler pour savoir si la Pologne serait ou ne serait pas monarchique ?

Il devaient d’ailleurs tomber dans une contradiction toute semblable au sujet du troisième article de leur catéchisme révolutionnaire. Ils avaient sans doute raison quand ils professaient que la Pologne déchue par elle-même devait se relever à elle seule, quand ils ne voulaient compter pour sa résurrection ni sur la mésintelligence des gouvernemens, ni sur la sympathie des peuples, quand ils déclaraient avec une noble énergie, avec une claire conscience de la vérité, que l’initiative d’une émancipation nationale n’appartient jamais qu’à la nation opprimée ; mais ils avaient tort d’imaginer qu’ils pourraient, en frappant du pied, faire lever tout de suite vingt millions d’ames, et, s’ils voyaient juste en ne se fiant pas trop aux leurres de la diplomatie, ils s’égaraient dans un rêve chimérique en supposant qu’ils allaient, pour entrée de jeu, lutter corps à corps avec trois grandes puissances. Aussi Mieroslawski déclara-t-il devant la haute cour de Berlin que le comité de centralisation avait, en 1845, suspendu le programme des limites de 1772, pour cause d’absolue nécessité. Le comité