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même de cette vérité, dès qu’on examine l’opportunité, la nature des réformes, quand on se demande dans quelle mesure il faut les proposer, alors on est aux prises avec les difficultés les plus graves, surtout si la réforme par laquelle il s’agit de commencer concerne et affecte le pouvoir même qui doit l’accomplir. Écartons les généralités. Quel est le point spécial en question ? La chambre des députés est mise en demeure de modifier sa composition, de retrancher de son sein certains élémens. Faut-il s’étonner que celui des partis parlementaires qui s’est fait plus particulièrement le représentant des principes conservateurs, et qui s’attache surtout à ne pas confondre les changemens utiles avec les innovations téméraires, hésite, temporise avant d’aborder une pareille réforme ? S’il avait moins d’expérience, il aurait moins de scrupules. Par la même raison, nous ne sommes pas très surpris qu’au sein de la majorité conservatrice l’impatience ait gagné quelques jeunes gens que n’entrave pas encore la science des affaires et de la vie. Alors on ne doute de rien, on se sépare de ses chefs avec une sorte de pétulance. Si à ces entraînemens juvéniles nous joignons, chez quelques autres, des passions moins naïves, des animosités personnelles, des exigences non satisfaites, nous nous expliquerons plus facilement encore l’attitude si décidée de quelques réformistes de très fraîche date.

Toutefois, il faut le reconnaître, l’urgence de certaines réformes est indépendante de toutes les considérations personnelles, quelles qu’elles soient. On ne peut s’affranchir, en politique, des choses nécessaires, parce qu’elles sont difficiles ou désagréables. Peut-être le cabinet a-t-il été trop arrêté par la crainte, honorable du reste, de porter atteinte à quelques situations parlementaires. Il n’a pu se résoudre non plus, dès la seconde année de la législature, à une mesure qui devait inévitablement amener une dissolution. Il a pensé d’ailleurs qu’il n’y avait pas une telle urgence, qu’il dût si fort abréger les jours du parlement de 1846. Maintenant il doit reconnaître qu’il a poussé la résistance assez loin. Nous ne blâmons pas le ministère de n’avoir pas eu d’enthousiasme pour l’extension des incompatibilités parlementaires ; mais, à coup sûr, il aurait tort de jouer, sur une pareille question, nous ne dirons pas son avenir, mais celui du parti conservateur. Il faut que désormais il soit bien entendu, bien acquis que, dans la session prochaine, une satisfaction positive sera donnée sur ce point. Il faut que, dans le discours de la couronne, le ministère annonce qu’il prend l’initiative d’une réforme long-temps mûrie par les discussions de la tribune et de la presse. Alors il sera bien avéré que la majorité conservatrice a la volonté et la puissance d’améliorer nos institutions, en les maintenant, en les défendant dans leurs bases, dans leurs principes essentiels. Nous sommes convaincus que quelques modifications habilement apportées à la loi électorale de 1831, loin de l’ébranler, l’affermiront encore. La loi elle-même a pris racine dans les mœurs politiques du pays. Elle a créé des habitudes, des traditions, des droits, qui, de jour en jour, prennent plus d’empire. Avec quelques perfectionnemens, on la dotera d’un long avenir.

Un pareil résultat vaut la peine qu’on se préoccupe vivement des moyens de l’obtenir ; un pareil résultat mérite les sacrifices auxquels faisait allusion M. le président du conseil, en s’engageant à chercher les termes d’une transaction qui réunit les diverses nuances du parti conservateur. Sans doute, le problème est compliqué. Peut-être était-il préférable que, par ses propres actes, le gouver-