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inconciliables avec les anciennes institutions monarchiques ou avec les principes adoptés par sa majesté impériale (d’Autriche) dans le gouvernement intérieur de ses possessions d’Italie. » En d’autres termes, le roi de Naples s’engageait par là à ne point donner de constitution à son peuple tant que l’empereur d’Autriche n’en donnerait pas une à la Lombardie, c’est-à-dire jamais. Le gouvernement autrichien voudra-t-il aujourd’hui faire valoir cet article secret ? Nous ne le croyons pas, nous pourrions même dire que nous sommes sûrs du contraire ; et, si nous sommes bien informés, l’ambassadeur d’Autriche à Paris aurait déjà déclaré à M. Guizot que son gouvernement n’avait point l’intention d’intervenir dans les affaires du royaume des Deux-Siciles, et se bornerait à se tenir sur la défensive. Il n’y a naturellement aucune objection à faire à cette attitude ; elle n’empêchera point le roi de Naples de donner une charte à ses états ; elle n’empêchera point le roi de Sardaigne de suivre l’exemple du roi de Naples, comme il l’a déjà fait. C’est aussi une constitution française qui vient d’être inaugurée dans le Piémont ; c’est un honneur pour la France de voir ainsi ses institutions se propager autour d’elle ; c’est un juste hommage rendu à la politique qui, depuis dix-sept ans, a su concilier l’ordre avec la liberté. Ce qui s’est passé à Turin se reproduira inévitablement à Florence : nous croyons que, dans ces deux états comme dans celui des Deux-Siciles, le mouvement constitutionnel se régularisera ; mais, ainsi que nous le disions tout à l’heure, le moment critique viendra quand l’impulsion se sera communiquée aux États-Romains, et quand le principe de la souveraineté nationale se trouvera aux prises avec le principe de l’infaillibilité spirituelle.

Les relations officielles entre la cour d’Angleterre et la cour de Rome vont être régulièrement rétablies ; le ministère anglais vient de faire une proposition à cet égard dans le parlement. Cette mesure, prévue depuis long-temps, et à laquelle la mission de lord Minto à Rome avait servi de préliminaire, a été hâtée par la gravité croissante des événemens de l’Italie. Le gouvernement anglais a senti l’utilité d’avoir en ce moment auprès de la cour pontificale un représentant public, comme en ont toutes les autres puissances, et il a profité du moment pour demander la révocation des lois qui, depuis la réformation et la révolution, avaient mis le pape à l’index. C’est lord Lansdowne qui a fait dans le parlement cette proposition. Le parti protestant se plaint vivement de la précipitation avec laquelle le bill a été introduit sans avoir été annoncé, mais cette précipitation même prouve le prix que le gouvernement anglais attache à se mettre promptement en règle avec les événemens qui se préparent à Rome.

Pour faire accepter plus facilement la reconnaissance du pape par le parlement, le ministère anglais a apporté un gage des dispositions bienveillantes et amicales de la cour de Rome. Dans ces derniers temps, la conduite tenue par une partie du clergé catholique d’Irlande au milieu des assassinats et clés désordres qui ravageaient le pays avait excité des plaintes nombreuses et trop souvent légitimes. Dans certains cas, la prédication était devenue de la dénonciation, et la jacquerie avait été encouragée du haut de la chaire. Le gouvernement anglais a porté plainte contre ces scandales auprès du chef spirituel du clergé d’Irlande, et le saint-siège a adressé aux évêques irlandais une circulaire contenant un blâme sévère des provocations des prêtres. Les évêques ont, à ce qu’il paraît, tenu une assemblée dans laquelle il a été résolu qu’ils enverraient à Rome une députation pour se justifier.