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qu’on le bannisse, comme on faisait autrefois les hérétiques. « En oultre que les anabaptistes séditieux contre les magistrats, et qui voliont faire les choses communes, il les a toujours reprouvés et reprouve. » Enfin, « pour ce qu’il est estranger, et ne suit les costumes de ce pays, ni comme il fault parler et procéder en jugement, vous supplie humblement luy doner un procureur, lequiel parle pour luy. Ce fesant farés bien, et nostre Seigneur prospérera vostre république. »

Le conseil fut sourd à cette requête, pourtant si légitime. Le procureur-général Rigot, qu’on croit avoir été un des partisans déclarés de Calvin, motiva par les raisons les plus cruellement futiles un refus qui était un véritable déni de justice. « Veu qu’il sait si bien mentir, n’y a raison à ce qu’il demande ung procureur. Car qui est celuy qui luy peust ou voullust assister en telles impudentes menteries et horribles propos ? Joinct aussi qu’il est deffendu par le droict, et ne fut jamais veu, que tels séducteurs parlassent par interposition de procureur. Et davantage, n’y a ung seul grain d’apparence d’innocence qui requiere ung procureur. Parquoy doibt sur le champ estre débouté de telle requeste tant inepte et impertinente, et respondre pertinemment sur les articles suyvantz. » Ces nouveaux articles donnèrent lieu, du 23 août au 1er septembre, à une nouvelle série d’interrogatoires, où non-seulement la doctrine de Servet, mais sa vie et sa personne, devinrent l’objet de l’inquisition la plus soupçonneuse et la plus minutieusement sévère. On en jugera par les extraits suivans :


« Dix-huitième interrogat. — S’il a esté marié et s’il respond que non, sera interrogé, veu son âge, comment il s’est peu tant longuement contenir de se marier.

«  Respond Servetus : Que non jamais, et que c’est pour ce qu’il ne se sentoit pas potent, quum ex una parte ablatus, ex altera ruptus esset.

« Dix-neuvième interrogat. — Attendu qu’il se trouvera qu’il a mené vie dissolue, et qu’il n’a heu zèle ny cure de vivre chastement et en vray chrestien, qui c’est qui l’a meu et incité à traicter tant avant des choses principales et fondement de la religion chrestienne.

« Respond Servetus : Qu’il a esté estudiant de saincte Escriture, ayant zèle de vérité et pense avoir vescu comme ung chrestien.

« — En jouant avec l’hôtesse de la Rose, vous avez dit qu’il y avoit assez de femmes sans se marier. — Vrayment, dit Servet, j’ai tenu ce propos et gaudissois pour donner à entendre quod impotens non eram, car je n’avois que faire de le laisser savoir. »


Ces nouveaux interrogatoires n’ayant donné aucun résultat décisif, il fut résolu que la discussion théologique serait reprise, mais cette fois par écrit, et que les pièces en seraient mises sous les yeux des églises suisses, à qui Servet en avait appelé.

Ce débat remplit presque tout le mois de septembre. Cependant la