Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/903

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’essaim joyeux et fier des plus jeunes enfans,
Prenant son bouclier dans leurs bras triomphans,
Lui présentant le pain, et vers la table, en groupe,
Portant la lourde amphore et remplissant la coupe.

Chacun d’eux, à l’envi, pour apaiser sa faim,
S’employait de son mieux, archange ou séraphin
Et remplaçait le pain qu’en sa ruse grossière
L’esprit d’orgueil prétend susciter de la pierre.
Chacun lui préparait des alimens divers ;
Les célestes greniers pour eux étaient ouverts ;
Chaque ange, parcourant la sphère qu’il cultive,
Moissonnait pour Jésus d’une main attentive,
Choisissant les épis et les fruits les plus beaux,
La manne et la rosée et les plus fraîches eaux,
Et du cœur des palmiers la moelle nourrissante,
Et la sève de tout sous leurs doigts jaillissante.
Ils s’envolaient ainsi, des mondes étrangers,
En un rapide essor, dépeuplant les vergers,
Et, pour former un miel de toutes leurs merveilles,
Allaient et revenaient ainsi que des abeilles.
Mais un plus doux tribut par eux était offert
Au lutteur fatigué des combats du désert ;
A ses yeux consolés par de rians prodiges
Ils venaient de Satan effacer les vestiges,
Et les noirs souvenirs que, même à son vainqueur,
Le sombre esprit du mal laisse toujours au cœur.
Ils montraient à Jésus en leur divin langage,
Où l’action vivante unit au son l’image,
Tout le bien qu’opérait sur terre en ce moment
Chaque juste avec lui concourant librement.
Des secrètes vertus lui déroulant le drame,
Ils faisaient devant lui passer toute belle ame.

Ce qu’il verrait lui-même en son propre horizon
S’il n’eût d’un corps humain accepté la prison,
À cette heure il le vit dans les discours des anges,
Et sa chair frissonna de ces clartés étranges.
Il voyait, des soleils harmonisant l’essor,
Se croiser dans l’azur leurs mille rênes d’or,
Et courir par les airs les germes impalpables
Des mondes à venir plus nombreux que les sables ;
Et l’immense nature en son ordre éternel